Gérald Papy

Ch. désespérément star européenne

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

En scandant que  » d’une Europe juste et solidaire, personne ne voudra s’en aller « , le dirigeant de la gauche radicale espagnole Pablo Iglesias, leader de Podemos, pensait séduire le supplément d’électeurs qui lui permette de supplanter le  » vieux  » Parti socialiste ouvrier.

Son échec lors des élections législatives de dimanche ramène le débat à cette évidence : en ces temps de bouleversement de paradigme du monde, la meilleure méthode pour instaurer plus de justice sociale et de solidarité est le dilemme devant lequel la plupart des responsables politiques achoppent. Dieu qu’il est complexe et périlleux de gouverner au XXIe siècle.

Identifiée comme la cause du rejet de l’Union européenne par une majorité de Britanniques, la fracture entre les élites dirigeantes et la population est assurément alimentée par l’incapacité des premières à trouver la parade à une croissance anémique, au chômage, à la paupérisation des classes moyennes… Il est alors tentant d’en faire porter la responsabilité sur une Union jugée économiquement trop libérale. C’est une partie de l’explication du désenchantement vécu par les Européens les plus affectés par la crise de 2008 et les mutations de la globalisation. En ce sens, Luuk van Middelaar, l’ancien conseiller du président du Conseil européen Herman Van Rompuy, a raison d’asséner que « le Brexit est un rejet de la mondialisation ». Mais la faute en incombe aussi aux sociaux-démocrates incapables de proposer une alternative. Ce n’est pas non plus la seule explication à ce désamour.

L’Union européenne va au-devant des années les plus sombres de son histoire. Sauf un incroyable sursaut

On a raison de « profiter » du désastre du 23 juin pour tenter de relancer la machine européenne et, mieux, réinventer son projet. Des pistes sont mêmes prometteuses. Mais outre que l’arbre britannique ne peut cacher la forêt des Etats dirigés par des europessimistes, le défi, aujourd’hui, est de trouver la ou les personnalités qui incarneront cette nouvelle ambition. L’ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, un des derniers à avoir joué ce rôle, explique, dans le livre d’entretiens publié par Cécile Amar, L’homme qui ne voulait pas être roi, qu' »il y a une séduction qui tient à la personne, et il y a une séduction qui tient au langage que vous tenez après avoir écouté l’avis de tous ces communicants. Je ne dis pas que ces communicants ne font pas gagner des batailles électorales, mais je dis que, du point de vue de la société, c’est beaucoup plus discutable ».

Une fois n’est pas coutume, l’Europe du football, avec le Brexit, n’a pas devancé – il s’en est fallu de quelques jours – la (dé)construction politique. L’Euro 2016 démontre à nouveau qu’une équipe gagnante ne se bâtit pas sans une star consacrée. Pour la nouvelle Union européenne qui se profile laborieusement, ni un François Hollande trop faible en sa république, ni un Jean-Claude Juncker trop controversé pour son attitude à l’égard du monde de la finance, ni un Donald Tusk trop isolé dans une Pologne frileuse ne sont en mesure de porter un message audacieux et mobilisateur. Associée, malgré elle, à la sombre histoire de l’hégémonie allemande sur le continent, Angela Merkel, qui pourrait le personnifier, n’en a pas l’envie.

Embarquée dans de longues et ardues négociations avec des Britanniques tentés de se dédire, impuissante ces dernières années à relever les défis, dépourvue de leader charismatique, l’Union européenne va au-devant des années les plus sombres de son histoire. Sauf un incroyable sursaut. Il faut pourtant y croire.

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