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Catalogne: fin d’une campagne atypique depuis la prison et l’exil

Le Vif

Rassemblement devant une prison et vidéo-conférence de l’indépendantiste Carles Puigdemont : une étrange campagne électorale s’est achevée mardi en Catalogne, où les électeurs décideront jeudi s’ils veulent maintenir les séparatistes au pouvoir.

Le scrutin dans cette riche région du nord-est de l’Espagne aura été précédé d’une campagne opposant un camp « espagnoliste » ultra-mobilisé et des indépendantistes qui accusent l’Etat de chercher à les museler en les poursuivant pour rébellion et sédition après leur tentative de sécession.

En vidéo, Carles Puigdemont a adressé depuis Bruxelles son message désormais traditionnel : un appel à défendre la « dignité » du peuple catalan face aux diktats de Madrid. L’élection régionale du 21 décembre « n’est pas une question de couleur politique, ou de personnes, c’est une question de dignité », a-t-il martelé à l’attention de ses sympathisants rassemblés dans une centaine de villes pour l’écouter. Il a ensuite expliqué que si les Catalans acceptaient la destitution imposée par Madrid, les prochains chefs de l’exécutif régional seraient à la merci du gouvernement central, qui a supprimé de facto l’autonomie de la Catalogne pour tuer dans l’oeuf la tentative de sécession.

Pendant ce temps à Barcelone Inès Arrimadas, chef de file de Ciudadanos, le principal parti anti-indépendantiste, assurait que les partisans de l’unité « étaient proches de pouvoir accomplir un rêve », en s’imposant face aux nationalistes et indépendantistes, toujours vainqueurs dans la région depuis le retour de l’Espagne à la démocratie. « Nous ne voulons pas d’une république (indépendante), nous voulons rester unis avec l’Espagne », expliquait un électeur de son parti, Miguel Carrillo, 62 ans.

Prison

La journée avait commencé par le déplacement d’une délégation de dirigeants indépendantistes puis de députés européens jusqu’à la prison d’Estremera, sur un plateau battu par les vents à quelque 60 km de Madrid.

Le vice-président indépendantiste destitué Oriol Junqueras et un autre ex-ministre régional, Joaquin Forn, y sont incarcérés depuis plus d’un mois. « Nous sommes là pour dénoncer l’injustice absolue que représente le fait d’avoir des personnes innocentes en prison (…) en raison de leurs idées pacifiques », a affirmé le député catalan Antoni Castella, membre du parti PDECat du président destitué Carles Puigdemont.

Puis dans la soirée les figures du parti de M. Junqueras ont répété lors d’un meeting près de sa ville natale, Sant Vicenç dels Horts, qu' »il était emprisonné parce que c’est le meilleur », accusant le pouvoir espagnol d »emprisonner ses adversaires politiques ».

Bain de foule

Selon les sondages la bataille pour la première place oppose surtout le parti d’Oriol Junqueras, la Gauche républicaine de Catalogne, et Ciudadanos, même s’ils sont dans un mouchoir de poche avec la liste de M. Puigdemont, « Ensemble pour la Catalogne ».

Le résultat « peut se jouer à quelques voix près », a reconnu la dirigeante de Ciudadanos. « Je demande que personne ne reste à la maison… pour en finir avec le cauchemar du processus indépendantiste et ouvrir une nouvelle étape de réconciliation et de seny« , le bon sens catalan, a-t-elle dit.

Lors des dernières élections régionales, en 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,8% des suffrages. Les formations opposées à la rupture avaient recueilli plus de voix, mais les séparatistes avaient obtenu la majorité des sièges au Parlement, 72 sur 135.

Ils ont ensuite suivi une « feuille de route » vers l’indépendance, ignorant les décisions de la justice, et organisant le 1er octobre un référendum d’autodétermination interdit par la cour constitutionnelle, émaillé de violences policières. Après des semaines de tensions et de vive inquiétude en Europe face à cette fièvre sécessionniste, et alors que les entreprises déménageaient par centaines leur siège social hors de Catalogne, ils ont finalement déclaré l’indépendance le 27 octobre.

Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a répondu en plaçant la région sous tutelle, destituant l’exécutif séparatiste et dissolvant le parlement pour convoquer de nouvelles élections. Cette mise sous tutelle doit en principe se prolonger jusqu’à l’investiture du prochain gouvernement catalan. « Cette élection permettra de décider si nous revenons à une situation normale, à la Constitution, à ce qui est raisonnable et sensé », a assuré M. Rajoy. Son parti, impopulaire en Catalogne, pourrait arriver dernier après la petite formation séparatiste d’extrême gauche CUP (Candidature d’unité populaire).

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