La vision ultralégaliste de Mariano Rajoy est "une faute grave" © Reuters

Catalogne, Ecosse, Kurdistan irakien: « La seule alternative, c’est le fédéralisme »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Chercheur à l’Institut du fédéralisme de l’université de Fribourg, Nicolas Schmitt juge Mariano Rajoy responsable du fiasco en Catalogne pour ne pas avoir su donner corps aux avancées fédérales de l’Espagne.

Le référendum sur l’indépendance de la Catalogne est-il l’illustration de l’échec de l’instauration d’un fédéralisme négocié en Espagne ?

Depuis sa Constitution de 1978 et la création d’un  » Etat des autonomies  » avec des communautés autonomes, l’Espagne était considérée, dans la littérature universelle, comme un quasi-Etat fédéral, si ce n’est une véritable fédération. Mais cela ne veut rien dire si des efforts ne sont pas constamment entrepris pour donner corps à cette notion. Autre cas similaire : l’Ukraine, qui a toujours méprisé ses régions russophones. On a vu le résultat avec la sécession du Donbass. Un tel traitement ouvre la porte à toute manipulation, en l’occurrence venue de Moscou.

A qui la responsabilité en Espagne ?

« A Rajoy, j’ai envie de répondre : « Nous sommes tous des Catalans ». » © SDP

Il semble bien que la faute soit à mettre sur le compte de Mariano Rajoy, et pour le pire des motifs : des raisons purement électoralistes. Son gouvernement est minoritaire au sein d’une coalition disparate tenue par un seul  » ciment  » : une certaine défiance à l’égard de la puissante et orgueilleuse Catalogne. Donc, Rajoy s’est rendu coupable du pire crime que puisse commettre un homme d’Etat : mépriser une partie de sa population pour attirer les flatteries d’une autre. Jouer les Espagnols contre les Catalans au lieu de glorifier la richesse de la diversité. Une attitude désastreuse. Tout remonte à la contestation du nouveau statut de la Catalogne par le Parti populaire de Rajoy, le 31 juillet 2006, devant le Tribunal constitutionnel espagnol. La moitié des articles du statut ont été remis en question. Cette vision ultralégaliste était une faute politique grave. Dans un arrêt rendu le 28 juin 2010, le Tribunal constitutionnel a annulé 14 des articles du statut d’autonomie, sur un total de 223. Pour m’être rendu à Barcelone à cette époque, j’ai vu que les Catalans étaient furieux. A partir de là, la machine infernale était enclenchée, d’autant plus que Rajoy n’avait pas l’intention de faire le moindre pas en direction de la Catalogne. Cela a donné du grain à moudre à tous les opposants. Certes, il semble bien que les indépendantistes catalans ne soient pas des anges et aient bien profité de la situation. Mais la faute incombe au plus fort, le gouvernement national. Maintenant, Rajoy explique qu’il sera miséricordieux envers les Catalans si ceux-ci arrivent à résipiscence : c’est une insulte de plus. Et j’aurais envie de lui répondre :  » Nous sommes tous des Catalans « . Car son action est aux antipodes du fédéralisme, qui impose de considérer la diversité comme une richesse et non comme une suite d’obstacles.

Catalogne, Ecosse, Kurdistan irakien : le séparatisme est-il voué à se répandre ou peut-on lui trouver une alternative ?

La seule alternative est le fédéralisme, qui associe les avantages de l’unité à ceux de la préservation des diversités. Mais cette subtile alchimie est infiniment trop compliquée pour les politiciens contemporains qui sont comme des éléphants dans un magasin de porcelaine et ne veulent pas se donner la peine de soigner comme un bien précieux la richesse des diversités. C’est bien plus simple de tout écraser au nom de la majorité. Pour cette raison, le séparatisme est vieux comme le monde. La liste est longue des régions frustrées d’avoir été trop longtemps soumises, ignorées, marginalisées par un pouvoir central oppressant. Il suffit ensuite d’un leader politique plus charismatique pour souffler sur les braises et créer un véritable incendie.

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