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Cameron, dix années d’amour tiède

Le Vif

Il a beau jouir d’une autorité renouvelée grâce à son triomphe électoral en mai dernier, le Premier ministre britannique David Cameron fête dimanche ses dix ans à la tête des Tories sans avoir réussi à convaincre complètement son parti, ni sur l’Europe, ni sur sa personnalité.

« David Cameron n’a jamais été aimé par son parti comme l’ont été d’autres leaders conservateurs », comme Margaret Thatcher, explique d’emblée Peter Snowdon, co-auteur d’un livre sur le premier mandat du dirigeant (2010-2015), « Cameron at 10 » Downing Street. Homme politique « modéré » et « pragmatique », il « ne caresse pas les plus conservateurs dans le sens du poil. C’est la différence entre lui et les précédents leaders », explique l’analyste à l’AFP. C’est la raison pour laquelle peu après son élection à la tête du Parti conservateur en 2005, avec plus de 65% des voix, « il y eut une brève lune de miel mais elle ne s’est jamais convertie en fort soutien », souligne-t-il. Le jeune leader, alors âgé de 39 ans, prônait à l’époque un « conservatisme compassionnel » qui mettait en avant de façon peu habituelle pour son parti des thèmes comme la santé, l’éducation, l’environnement, ou s’engageait à favoriser le mariage gay. Une promesse qu’il a tenue en 2012 malgré la colère dans son camp. « Cet épisode a réellement bouleversé le parti. Un grand nombre de membres ont rendu leur carte d’adhésion », se souvient M. Snowdon.

Un conservatisme ‘compassionnel’

Pourtant, malgré l’absence de passion face à ce pur produit de l’élite sorti du prestigieux collège d’Eton, et malgré les heurts, il n’y a jamais eu de tentative sérieuse de renverser David Cameron, notamment parce qu’aucun véritable rival n’a émergé durant ces dix dernières années.

Le dirigeant peut ainsi revendiquer une longévité inégalée depuis Margaret Thatcher et, grâce à sa victoire en mai 2015, la première majorité absolue conservatrice à Westminster depuis une vingtaine d’années. Totalement inattendue, cette victoire lui a permis de rasseoir son autorité sur un parti qui n’a jamais vraiment digéré la demi-victoire de 2010 et la coalition forcée avec les Libéraux-démocrates.

« Il a gagné en 2015 et pour cette raison il est plus respecté dans son parti qu’il ne l’a jamais été au cours des dix dernières années », assure M. Snowdon. De plus, « les députés sont devenus un peu plus comme lui: plus jeunes, plus susceptibles de partager ses idées sur le mariage gay, la réduction de l’écart de rémunération entre hommes et femmes, l’égalité des chances », souligne à l’AFP Duncan O’Leary, directeur de recherche du centre de réflexion Demos.

Le dirigeant britannique peut ainsi renouer avec ses thèmes de prédilection, un temps mis entre parenthèse par la nécessité de gérer les conséquences de la crise économique au cours de son premier mandat. Ainsi, le « conservatisme compassionnel » a fait son grand retour dans le discours prononcé par David Cameron au congrès annuel du parti en octobre.

Défier son autorité

Mais il a encore un obstacle de taille devant lui: le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, qu’il a lui-même promis en janvier 2013 sous pression de l’aile eurosceptique de son parti, et qui doit avoir lieu d’ici fin 2017. « Un gros morceau du parti veut faire campagne pour le Brexit (pour « British Exit », NDRL) et cela va défier directement son autorité », prévient Matthew Ashton, maître de conférences en Sciences politiques à l’université de Nottingham Trent.

Plusieurs poids lourds du gouvernement, dont le ministre des Affaires étrangères Philip Hammond, n’ont pas caché leur envie de faire campagne pour la sortie du Royaume-Uni. « Après le référendum, il sera difficile de se remettre ensemble et de travailler en équipe », prévient M. O’Leary. Sans compter qu’une fois « le référendum passé, la conversation se focalisera rapidement sur la question de savoir si David Cameron restera jusqu’à la fin de son deuxième mandat ou s’il démissionnera avant pour laisser le temps à un nouveau leader de s’installer », ajoute-t-il. Fait rare pour un responsable politique, le Premier ministre a en effet annoncé juste avant les élections de mai qu’il ne briguerait pas de troisième mandat, privilégiant ainsi sa vie de famille.

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