Thierry Fiorilli

C’est comme beau comme la bravoure d’Hilda Flavia Nakabuye (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Et elle a écrit au président français et au boss de Total après les premières expropriations pour le forage et puis celles pour l’oléoduc (prévu pour 2025): «  »s’il vous plaît, faites que nos vies comptent. S’il vous plaît, ne nous envoyez pas en enfer. »

Elle n’était pas à Glasgow. « Trop cher pour s’y rendre, justifiait-elle au magazine Society du 4 novembre. C’est un problème pour beaucoup d’activistes africains, alors qu’on est les populations les plus touchées par la crise climatique. » Elle n’a pas eu de réponse à sa lettre envoyée, fin septembre, à Emmanuel Macron et Patrick Pouyanné, le PDG de Total, pour qu’ils renoncent au projet East African Crude Oil Pipeline (EACOP), le plus grand oléoduc chauffé du monde, 1 445 kilomètres le long de 178 villages en Ouganda et 231 en Tanzanie, avec quatre cents puits forés sur les rives du lac Albert et dans le parc naturel de Murchison Falls, parce qu’on a découvert du pétrole dans le sous-sol ougandais. Mais Hilda Flavia Nakabuye, 24 ans, se bat, comme une lionne, pour que les hommes cessent de saccager et la population de n’y voir que la volonté de Dieu.

Dans un pays qui « représente peut-être 0,001% des émissions toxiques », expliquait-elle au Monde, en mai 2019, mais qui « subit de plein fouet le changement climatique« . Un pays « enclavé », où les « ressources en eau sont donc fondamentales ». Où plusieurs grands fleuves, comme le Nil, trouvent leur source, dès lors « si nous ne les protégeons pas, ce sont aussi d’autres populations qui en souffriront » . Depuis 2017, elle a nettoyé les abords lacustres, manifesté seule, un carton à la main, appelant à la grève pour que s’éveillent les consciences. Elle a créé un blog (Striker Diaries), ouvert un compte Twitter, convaincu d’autres, jeunes ou pas, dans un contexte où « réunir plus de trois personnes dans la rue peut être considéré comme une atteinte au gouvernement », évidemment corrompu.

Et elle a écrit au président français et au boss de Total après les premières expropriations pour le forage et puis celles pour l’oléoduc (prévu pour 2025) et puis la lettre de Macron à son homologue ougandais exprimant « notre désir mutuel d’intensifier notre partenariat ». Elle leur dit qu’elle vit « dans l’un de ces pays qui n’a aucune responsabilité dans la crise climatique mais en subit le poids », que « le monde tourne le dos aux hydrocarbures pour aller vers les énergies renouvelables », que l’oléoduc « est le cauchemar que nous voudrions fuir », qu’il « crée de graves risques pour les personnes et la nature, à l’est de l’Afrique, mais aussi pour le climat au niveau mondial », qu’il « devrait émettre chaque année 34,3 millions de tonnes de CO2 » ce qui « rendra vains et ridicules les efforts du monde pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », que « nous vivons une époque d’extinction massive de la biodiversité et de catastrophes climatiques et vous cherchez à créer une nouvelle source d’émissions de CO2, qui soit ne sera pas viable financièrement, soit abîmera le climat », que « ce dont l’Ouganda a vraiment besoin, c’est de protéger et préserver la biodiversité, ainsi que de technologies d’énergies renouvelables qui fourniront des emplois propres aux habitants ». Bref, « s’il vous plaît, faites que nos vies comptent. S’il vous plaît, ne nous envoyez pas en enfer. »

Et elle prévient: elle combattra.

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