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Brexit: des dommages « incalculables » pour l’environnement?

Le Vif

Le Brexit pourrait causer des « dommages incalculables » aux écosystèmes au Royaume-Uni et saper les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mettent en garde des groupes écologistes qui appellent Londres à donner la priorité à l’environnement après la sortie de l’UE.

De la qualité de l’air à la gestion des déchets, 80% des règles environnementales britanniques viennent aujourd’hui de Bruxelles. Et certains craignent que le gouvernement ne se préoccupe pas des répercussions environnementales d’une sortie du bloc européen. « Si nous avons un Brexit sans accord, le gouvernement va être occupé par d’autres choses », redoute Richard Black, directeur du think tank Energy and Climate Intelligence Unit. « En terme de développement des politiques, il y a énormément de rattrapage à faire ».

Le gouvernement assure vouloir maintenir les critères environnementaux les plus élevés, avec ou sans accord avec Bruxelles. La Première ministre Theresa May a ainsi assuré l’an dernier que son pays continuerait « à agir en chef de file au niveau mondial en tenant (ses) engagements envers la planète », promettant que les règles européennes seraient traduites dans le droit britannique après le Brexit.

Mais les défenseurs de l’environnement notent qu’il y a peu, voire aucun texte dans les tuyaux pour garder le cap en matière d’émissions, de protection de la nature et de qualité de l’air, et pratiquement aucun recours juridique si les engagements ne sont pas tenus. « Un nombre important d’affaires devant la Cour européenne de justice sont liés à l’environnement », commente Amy Mount, du collectif d’ONG Green Alliance. « Aujourd’hui, la population britannique a accès à une institution indépendante et forte qui a un pouvoir réel pour forcer les gouvernements à travers l’UE à appliquer les lois plutôt qu’à les ignorer », ajoute-t-elle. Le Royaume-Uni a notamment été renvoyé l’an dernier devant la CEJ pour ne pas respecter les limites règlementaires en matière de pollution de l’air.

Après le Brexit, le gouvernement prévoit de mettre en place un Bureau pour la protection de l’environnement (OEP) qui devra « s’assurer que ce gouvernement et les suivants bénéficieront de l’expertise d’un organisme indépendant, cohérent et à long terme sur l’environnement » et fournir un système de « redevabilité ».

Baisse des émissions

Mais les écologistes et les experts juridiques s’interrogent sur ses véritables pouvoirs et sur son impartialité: selon les projets de texte, il sera financé par le gouvernement qui nommera ses dirigeants. « Cela ne ressemble pas à l’organisation puissante qu’on nous avait promise », dénonce Kierra Box, de l’ONG Friends of the Earth. Et « il est loin d’être certain que nous ayons au moins cette version plus faible d’ici le jour de la sortie de l’UE, ce qui pourrait créer des dommages incalculables à nos espaces naturels et aux espèces ».

Le mois dernier, le gouvernement a publié des conseils aux entreprises en matière d’énergie et d’émissions en cas de « no deal », qui précisent que les émissions britanniques ne seront plus couvertes par le système européen actuel. Et « il n’y a à ce stade pas de plans pour introduire des politiques nationales supplémentaires sur les émissions », selon le texte.

Le pays a fait des progrès en matière de réduction des émissions, avec une baisse de 43% entre 1990 et 2017. Mais les experts craignent qu’avec le Brexit, les ministres des Transport ou des Finances ne soient tentés de chercher des gains économiques à court terme en détricotant les règles environnementales. En cas de Brexit sans accord, le Royaume-Uni perdrait notamment les règles européennes sur la dangerosité des produits chimiques ou celles de prévention de la pollution marine. Le pays étant l’un des plus gros exportateurs de déchets dans l’UE, l’absence d’accord pourrait également entraîner la constitution de piles d’ordures, enterrées rapidement ou brûlées dans des incinérateurs.

Les partisans du Brexit estiment eux que le Royaume-Uni pourra enfin faire ses propres règles après des décennies de décisions venues de Bruxelles. Mais pour Kierra Box, les antécédents du pays à trainer les pieds en matière environnementale dans l’UE n’augurent pas d’une priorité accordée à des politiques vertes en dehors. « Nous aurions pu choisir de fixer des limites de pollution plus strictes. Nous ne l’avons pas fait », note-t-elle. « Nous aurions pu choisir d’interdire les pesticides nocifs aux abeilles plus tôt et on pourrait encore décider d’interdire la fracturation hydraulique. On ne l’a pas fait, on ne le fait pas ».

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