Michel Temer © REUTERS

Brésil: la chute de Temer, une question de temps ?

Le Vif

Lorsque le « Temer Gate » a éclaté, mi-mai, beaucoup ont misé sur une sortie rapide du président brésilien. Mais les jours passent et Michel Temer est toujours là. Le chef de l’Etat parvient à gagner du temps, mais réussira-t-il à éviter la chute ?

Parmi les analystes, la sensation qui domine est que M. Temer se trouve dans l’unité de « soins intensifs », résume le politologue Carlos Pereira, de la Fondation Getulio Vargas (FGV).

Visé par une enquête pour corruption passive et obstruction passive, Michel Temer fait aussi l’objet de plusieurs motions de destitution déposées au Parlement. Un an après avoir succédé à Dilma Rousseff (gauche), destituée pour maquillage des comptes publics, son mandat ne tient qu’à un fil depuis la révélation à la mi-mai d’un enregistrement compromettant dans lequel il semble donner son accord pour acheter le silence d’un ex-député aujourd’hui en prison. Dans la rue, des milliers de Brésiliens réclament son départ et « des élections directes maintenant ».

En vertu de la Constitution, si M. Temer est destitué ou démissionne, la chambre des députés sera chargée de désigner son successeur dans les 30 jours. Mais beaucoup de Brésiliens refusent ces élections indirectes, en raison de l’image ternie du Parlement, dont des dizaines de membres sont visés par des enquêtes pour corruption.

« La corde au cou »

Mais en refusant catégoriquement de démissionner, le président a opté pour une stratégie qui, jusqu’à présent, lui réussit: gagner du temps. Il est parvenu à éviter que son principal allié, le PSDB (centre droit), l’abandonne le dimanche 21 mai. Trois jours plus tard, il a évité une décision de la Cour suprême (STF) sur son cas en introduisant un recours.

La prochaine échéance décisive est celle du mardi 6 juin. A compter de ce jour-là, le Tribunal supérieur électoral (TSE) jugera des irrégularités dans le financement de la campagne de 2014 menée au côté de Mme Rousseff. Le TSE pourrait tout simplement annuler la dernière élection présidentielle. Ce rendez-vous, qui pour beaucoup constituerait la sortie la plus honorable pour le dirigeant, a de grandes chances d’être reportée.

Par ailleurs, l’entourage présidentiel a déjà laissé entendre que le procès pourrait se prolonger si un des juges demandait une interruption pour examiner le dossier. « Quand on est avec la corde au cou, il est essentiel d’avoir du temps car plus on gagne du temps, plus on de chances de s’en sortir. Mais si Temer ne parvient pas à transformer ce temps en approbation de réformes, ses chances de survivre se réduisent beaucoup », a déclaré M. Pereira à l’AFP.

Le président brésilien a promis de sortir le géant sud-américain de la récession, via de sévères mesures d’austérité. L’annonce jeudi du retour sur le chemin de la croissance, avec une hausse du PIB au premier trimestre, après huit trimestres de recul, est une bouffée d’oxygène.

Pas de successeur naturel

Mais son destin pourrait dépendre de l’approbation de la réforme du système des retraites et de l’assouplissement du droit du Travail. Deux mesures demandées par le marché mais freinées par les législateurs qui craignent de perdent leur siège lors des élections générales de fin 2018. Face à cela, le gouvernement vient de débloquer 3.100 millions de réais (quelque 950 millions de dollars) de budget, destiné principalement aux secteurs de la santé et des travaux d’infrastructure. Une façon, selon les analystes, de venir à bout des réticences de ses alliés.

Autre facteur qui pourrait donner un sursis à Michel Temer: le manque de consensus sur un éventuel successeur. « Il n’y a pas de remplaçant naturel de Temer, à la différence de ce qui s’est passé avec Rousseff », estime Sylvio Costa, directeur du site politique Congresso em Foco.

Outre celui de Rodrigo Maia, président de la chambre des députés, également sous le coup d’accusations de corruption, plusieurs noms circulent: le sénateur et président du PSDB Tasso Jereissati, ou l’ex-ministre de la Justice Nelson Jobim. « Il est difficile de trouver quelqu’un qui soit propre et engagé dans ce programme de réformes », juge M. Costa, qui prévient toutefois que M. Temer « peut tomber à tout moment », car sa stratégie de gagner du temps ne le préserve pas de la conjoncture brésilienne « tellement imprévisible ».

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