Jair Bolsonaro © Reuters

Bolsonaro, le Trump des tropiques

Muriel Lefevre

Jair Bolsonaro est deuxième dans les sondages pour la présidentielle brésilienne. Certains le décrivent pourtant comme « le plus odieux personnage du monde démocratique » et peut-être même « le politicien le plus répugnant de la planète ».

Un mois après l’exécution de la militante noire Marielle Franco,le crime qui a déclenché la colère des Brésiliens reste impuni. Parallèlement, l’enquête tentaculaire anticorruption « Lavage express », qui vaut à Lula la prison, continue, dans sa 5e année, d’ébranler le Brésil. Plus de 100 responsables politiques de 14 partis sont sous enquête. Les juges anticorruption, à commencer par Sergio Moro, que Lula a qualifié d »‘esprit malade » et de « menteur », sont allés plus loin que prévu. Jusqu’au président Temer, accusé de corruption et participation à une organisation criminelle, qui n’a sauvé sa tête que de peu en 2017. Alors que 13 millions de Brésiliens sont au chômage, la combinaison de la situation économique et de « l’exposition quasi pornographique à la corruption » est « explosive », avertit le quotidien Folha de S.Paulo.

« Le Brésil traverse une crise démocratique au sens large, qui révèle un système politique et judiciaire à bout de souffle et soumis à d’extrêmes contradictions et tensions », explique Christophe Ventura, chercheur à l’Iris.L’incarcération du vétéran de la gauche de 72 ans rebat les cartes d’un scrutin qui s’annonce comme le plus incertain de l’Histoire du Brésil — et accessoirement menacé par le fléau des « fake news ».

Exaspérés, beaucoup de Brésiliens sont prêts à se jeter dans les bras du député d’extrême droite Jair Bolsonaro. Un nostalgique de la dictature, crédité de près de 18% des intentions de vote à la présidentielle, derrière Lula.

L’homme politique le plus odieux du monde démocratique

Les discours de l’homme, comme ceux de Trump, sont pourtant souvent des assertions décousues,peu factuelles et à la syntaxe douteuse. Des déclarations qui surlepapier semblent absurdes, mais qui se révèlent étrangement captivantes lorsqu’on les regarde. Bolsonaro est décrit comme « l’élu le plus misogyne et le plus odieux du monde démocratique » et peut-être « le politicien le plus répugnant de la planète ».

Depuis que cet ancien parachutiste de Pinochet a fait son entrée en politique il y a trois décennies de cela, il a réclamé à maintes reprises le retour au régime militaire quidominait au Brésil jusqu’en 1985. « Je suis en faveur d’une dictature », se vantait-il encore iln’y a pas si longtemps auprès d’un membre du Congrès,selon The Guardian.Des propos incendiaires, tout comme ses attaques virulentes contre les femmes, les Noirs, les homosexuels, les étrangers et les communautés indigènes, ont été longtemps balayées d’un revers de la main comme étant les délires d’un extrémiste. Maintenant, cependant, les idées de Bolsonaro ont pris le devant de la scène et il pourrait bien mener la course pour devenir le prochain président du Brésil après l’emprisonnement de son ennemi juré et principal rival, l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva.Petite ombre au tableau, le député d’extrême droite vient d’être inculpé pour « racisme » à l’égard des communautés indigènes, des femmes et de la communauté LGBT. Une condamnation qui, si elle se confirme, devrait néanmoins arriver trop tardSi le Tribunal suprême fédéral (STF) confirme cette inculpation et le condamne avant octobre, Jair Bolsonaro, 63 ans pourrait être empêché de se présenter. Mais la lenteur de la justice devrait jouer en sa faveur, estime le site internet JOTA spécialisé dans les questions judiciaires.Le parquet appuie sa demande sur une conférence donnée au Club Hebraica de Rio de Janeiro, en avril 2017: face à un public de 300 personnes, il avait « utilisé des expressions de nature discriminatoire, incitant à la haine et affectant directement plusieurs groupes sociaux ». La procureure reproduit plusieurs extraits de son discours, dans lequel il a parlé des descendants d’esclaves noirs « comme s’ils étaient des animaux », affirmant qu' »ils ne font rien et ne servent à rien, même pas à procréer ». Le député aurait également déclaré : « Si je vois deux hommes en train de s’embrasser dans la rue, je vais les frapper ».

 » Le plus grand phénomène politique du Brésil ces dernières années « 

Les conseillers de M. Bolsonaro ont réagi dans un communiqué en jugeant « lamentable d’assister à des attaques infondées, dont l’objectif est de générer des informations sensationnalistes pour dénigrer l’image de celui qui, en fait, est le plus grand phénomène politique du Brésil ces dernières années ». Cette condamnation ne serait toutefois pas une première puisque Jair Bolsonaro avait été condamné en 2017 à indemniser la députée de gauche Maria do Rosario pour avoir dit trois ans plus tôt qu’elle ne méritait pas d’être violée car elle était « très laide ».

Avec AFP

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