Aung San Suu Kyi © REUTERS/Jorge Silva

Birmanie: L’armée prête à coopérer avec Aung San Suu Kyi

Le Vif

Le président américain Barack Obama a appelé jeudi son homologue birman pour le « féliciter » d’avoir permis des élections « libres » et la puissante armée birmane se disait prête à « coopérer » avec l’opposante Aung San Suu Kyi, pour la première fois aux marches du pouvoir.

L’appel de Barack Obama à l’ex-général Thein Sein avait pour objet de « le féliciter, ainsi que son gouvernement, pour avoir réussi à organiser des élections législatives historiques, libres et équitables », selon le ministère de l’Information birman.

Après trente ans de lutte contre la junte, l’opposante Aung San Suu Kyi se retrouve en position de force pour négocier avec les héritiers d’un régime militaire lui ayant fait passer plus de 15 ans en résidence surveillée.

Thein Sein, dernier Premier ministre de cette junte autodissoute en 2011, avait promis que le régime de transition ne truquerait pas ce premier scrutin promis libre depuis un quart de siècle.

Vous pouvez « être fier de ce succès électoral, qui est un jalon historique », a déclaré le président Obama, saluant les « réformes courageuses » menées en quatre ans, selon le gouvernement birman.

Au soir du scrutin, le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, avait pourtant jugé que « si ces élections sont un important pas en avant », elles étaient « loin d’être parfaites ».

Lors de ses deux visites en Birmanie, la dernière fin 2014, le président Obama avait passé plus de temps avec la lauréate du Prix Nobel de la paix qu’avec le président Thein Sein.

Depuis les élections de dimanche, le régime d’anciens généraux convertis aux réformes multiplie les signaux en faveur d’une transition pacifique, acceptant de rencontrer sous peu l’opposante à sa demande et saluant sa victoire, avant même la publication des résultats définitifs.

« Nous voudrions féliciter » Aung San Suu Kyi pour « avoir remporté l’approbation du peuple », a déclaré le président Thein Sein dans un communiqué publié mercredi soir sur le site de la présidence.

Dernier geste en date: le puissant chef de l’armée birmane a promis jeudi de « coopérer avec le nouveau gouvernement » formé par l’opposante.

« L’armée fera de son mieux, en coopération avec le nouveau gouvernement », a déclaré le général Min Aung Hlaing qui a appelé ses troupes à « l’obéissance et la discipline » lors d’un discours devant les hauts responsables militaires du pays, rendu public par l’armée jeudi.

« Bienvenue à la nouvelle garde »

Les signes de crispation du régime en amont du scrutin s’étaient multipliés, avec une intense propagande télévisée contre toute tentation de révolution populaire de type printemps arabe.

La réaction de l’armée au raz-de-marée en faveur de la « Dame de Rangoun » était devenue un des principaux motifs d’inquiétude, Aung San Suu Kyi ayant promis de détricoter un système donnant aux militaires un pouvoir politique considérable.

Le chef de l’armée nomme en effet 25% de députés, qui sont des militaires non élus, lui donnant de facto un droit de veto au sein du Parlement. Il nomme aussi des ministres clefs comme celui de la Défense et de l’Intérieur.

Avec l’adoubement désormais du président Thein Sein et du chef de l’armée, une alternance historique est en marche. « Bienvenue à la nouvelle garde », écrivait le journal officiel Global New Light of Myanmar jeudi, du jamais vu.

Pas de célébrations

Aung San Suu Kyi devrait reprendre lundi le chemin de Naypyidaw, la capitale administrative située à cinq heures de Rangoun, pour la fin de la session du Parlement sortant.

Elle est en effet députée depuis 2012, à la faveur de législatives partielles. Elle a donc eu l’occasion d’apprendre les rouages du pouvoir et l’art de la négociation avec les anciens généraux.

La stratégie ces derniers jours de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a été de laisser au gouvernement post-junte le temps d’accepter leur défaite.

L’opposante évite les apparitions publiques et a donné à ses partisans la consigne de rester chez eux. Mais jeudi, elle a organisé une réception privée dans sa maison au bord d’un lac à Rangoun.

La foule de ses partisans n’attendent que son signal pour célébrer la victoire, dans un pays où l’émotion suscitée par ces élections est encore intense, quatre jours après le vote.

Viendra ensuite le temps des négociations. L’arrivée réelle au pouvoir d’Aung San Suu Kyi devrait prendre du temps, l’assemblée sortante devant encore se réunir plusieurs mois avant de céder la main à la nouvelle majorité parlementaire, à partir de février 2016.

Aung San Suu Kui ne pourra pas devenir président dans la foulée (en raison d’une Constitution taillée spécialement contre elle par la junte, mais a prévenu qu’elle serait « au-dessus du président ».

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