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Benjamin Netanyahu inculpé pour corruption, un électrochoc en Israël

Le Vif

Après des mois de suspense, Benjamin Netanyahu est devenu jeudi soir le premier chef de gouvernement de l’histoire d’Israël à être inculpé pour corruption pendant son règne, le plus long pour un Premier ministre depuis la naissance de l’Etat hébreu.

Il a aussitôt dénoncé une tentative de « coup d’Etat », alors que s’ouvre un nouveau round de pourparlers crucial afin de doter Israël d’un gouvernement et que le pays semble dans une impasse politique depuis les élections de septembre.

« Ce qui se joue ici est une tentative de mener un coup d’Etat contre le Premier ministre », a déclaré M. Netanyahu, dénonçant de « fausses accusations motivées par des considérations politiques » et assurant qu’il « n’abandonnera pas ».

Plus tôt dans la soirée, le procureur général d’Israël Avichaï Mandelblit avait lancé une véritable bombe en décidant d’inculper M. Netanyahu, chef du Likoud (droite), pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires. « C’est un jour triste » pour Israël, a déclaré M. Mandelblit qui rentre dans l’histoire comme le premier procureur à inculper un chef de gouvernement israélien en exercice. L’ancien Premier ministre Ehoud Olmert avait déjà été inculpé, il y a une décennie, mais après avoir quitté ses fonctions.

Le grand rival de M. Netanyahu, le centriste Benny Gantz, a lui aussi évoqué un « jour très triste » mais sur Twitter, le hashtag le plus tendance en Israël jeudi soir était « Youm samer » (« jour heureux »).

Dans les minutes qui ont suivi l’annonce de l’inculpation de leur champion, des dizaines de partisans du Premier ministre se sont toutefois réunis devant sa résidence officielle en scandant : « Nous sommes tous Netanyahu! »

Faveurs gouvernementales

Pour M. Netanyahu, 70 ans, une affaire est particulièrement sensible.

Dans le dossier, appelé « 4.000 » ou « Bezeq », du nom d’un groupe israélien de télécoms, la justice soupçonne M. Netanyahu d’avoir accordé des faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars au patron de Bezeq en échange d’une couverture médiatique favorable d’un des médias de ce groupe, le site Walla.

Le procureur général a aussi décidé d’inculper M. Netanyahu dans les deux autres dossiers sur lesquels il devait se prononcer, les affaires « 1000 » et « 2000 ».

Dans la première, le Premier ministre est soupçonné d’avoir reçu de luxueux cadeaux de la part de richissimes personnalités. Dans la deuxième, il est suspecté d’avoir tenté de s’assurer une couverture favorable dans le plus grand quotidien payant du pays, le Yediot Aharonot.

Cette inculpation pourrait remettre en cause la pérennité du règne de M. Netanyahu alors que les députés israéliens ont maintenant trois semaines pour trouver un Premier ministre qui a le soutien d’au moins 61 d’entre eux sur 120.

Selon la loi israélienne, Benjamin Netanyahu peut demeurer Premier ministre malgré cette mise en examen mais il ne peut pas devenir simple ministre dans un éventuel gouvernement de coalition.

Cette inculpation pourrait toutefois diminuer les chances de M. Netanyahu de rallier à sa cause une majorité de députés de la Knesset et compliquer son maintien au pouvoir.

« Période sombre »

Après l’échec de M. Netanyahu puis de M. Gantz à former un gouvernement dans la foulée des législatives de septembre, le président Reuven Rivlin a chargé jeudi le Parlement de trouver un Premier ministre pour sortir Israël d’une impasse politique unique dans son histoire et éviter la tenue d’un troisième scrutin législatif en moins d’un an.

Pour « la première fois de l’histoire d’Israël » selon le président, aucun candidat n’a été en mesure de former un gouvernement à l’issue de législatives, celles du 17 septembre, qui se sont soldées sur une quasi-égalité entre MM. Netanyahu et Gantz.

Les membres de la Knesset ont désormais jusqu’au 11 décembre pour présenter à M. Rivlin un document signé par au moins 61 élus, seuil de la majorité parlementaire, s’engageant à soutenir un député pour le poste de Premier ministre. « L’Etat d’Israël traverse une période sombre de son histoire », a déclaré M. Rivlin au Parlement, appelant les députés à agir de façon « responsable ».

Benjamin Netanyahu est soutenu par un « bloc » de 54 élus composé également de ses alliés de l’ultra-droite et de partis juifs ultra-orthodoxes.

M. Gantz, leader du parti Bleu-blanc (centre), compte lui sur l’appui de formations de centre-gauche, mais aussi des députés arabes israéliens qui ne feraient toutefois pas partie du gouvernement.

S’ils ne sont pas parvenus à former un gouvernement, MM. Netanyahu et Gantz peuvent encore se voir confier cette tâche de Premier ministre par les députés, ce qui ouvre la voie à de nouvelles tractations.

Mais pour le parti de Benny Gantz, « un Premier ministre qui a des allégations de corruption jusqu’au cou n’a aucun mandat public ou moral pour prendre des décisions sur le sort de l’Etat d’Israël ».

« Le procureur général Avichaï Mandelblit a décidé d’inculper le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour corruption, fraude et abus de confiance dans l’affaire 4000 », a indiqué le ministère dans un communiqué.

Dans cette « affaire 4000 », aussi appelée dossier « Bezeq », du nom d’un groupe israélien de télécoms, la justice soupçonne M. Netanyahu d’avoir accordé des faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars au patron de Bezeq en échange d’une couverture médiatique favorable d’un des médias de ce groupe, le site Walla.

Le procureur général a aussi décidé de mettre en examen M. Netanyahu pour « fraude et abus de confiance » dans les deux autres dossiers sur lesquels il devait se prononcer, soit les affaires « 1000 », dans laquelle le Premier ministre est soupçonné d’avoir reçu de luxueux cadeaux de la part de richissimes personnalités, et « 2000 », dans laquelle ce dernier aurait tenté de s’assurer une couverture favorable dans le plus grand quotidien du pays.

M. Netanyahu, le plus pérenne des Premiers ministres de l’histoire d’Israël, devient aussi le premier chef de gouvernement de l’histoire de ce pays à être mis en examen alors qu’il est toujours en fonction.

Cette décision du procureur général pourrait avoir d’importantes conséquences politiques alors que les députés israéliens ont maintenant trois semaines pour trouver un Premier ministre qui a le soutien d’au moins 61 d’entre eux (sur 120).

La mise en examen de M. Netanyahu pourrait minimiser ses chances de rallier sur son nom certains députés de la Knesset, le Parlement israélien.

Selon la loi israélienne, Benjamin Netanyahu peut demeurer Premier ministre malgré cette mise en examen mais il ne peut pas devenir simple ministre dans un éventuel gouvernement de coalition.

Les affaires dans lesquelles Benjamin Netanyahu est mis en examen

Echanges de bons procédés, tentatives de collusion avec la presse, dons présumés de cigares et de champagne… Le procureur général d’Israël vient de mettre en examen le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour corruption, fraude et abus de confiance dans différentes affaires qui portent toutes des noms de code à quatre chiffres.

C’est la première fois qu’un Premier ministre en exercice est mis en examen dans le pays, et cette décision pourrait mettre un terme à la carrière de M. Netanyahu, le plus pérenne des chefs de gouvernement israéliens.

– L’affaire Bezeq –

Dans le « dossier 4000 », le Premier ministre est mis en examen sous trois chefs d’accusation : corruption, fraude et abus de confiance.

Il est accusé d’avoir tenté de s’assurer une couverture favorable sur le site d’informations Walla. En contrepartie, il aurait octroyé des faveurs gouvernementales qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars à Shaul Elovitch, alors patron du principal groupe de télécommunications israélien Bezeq et du site Walla.

Au coeur de l’enquête: la fusion en 2015 de Bezeq avec le fournisseur de télévision par satellite Yes. Une telle décision nécessitait l’aval des autorités de contrôle. Or, à l’époque, M. Netanyahu détenait aussi le portefeuille des Communications.

Selon M. Netanyahu, la fusion Bezeq-Yes a été validée par les services du ministère et les autorités de contrôle comme étant pertinente. Il conteste une couverture privilégiée de la part de Walla.

Le 2 décembre 2018, la police avait déjà recommandé la mise en examen de M. Netanyahu dans cette affaire pour corruption, fraude et abus de confiance. L’enquête vise également Shaul Elovitch, toujours le principal actionnaire de Bezeq et sa femme, ainsi que Stella Handler, PDG à l’époque de ce groupe de télécommunications.

Le procureur général a mis hors de cause Sara et Yaïr Netanyahu, l’épouse et le fils du Premier ministre.

– Champagnes et cigares –

Au coeur du « dossier 1000 », des cigares de luxe, bouteilles de champagne et bijoux. Les enquêteurs cherchent à savoir si le Premier ministre et des membres de sa famille ont reçu pour plus de 700.000 shekels (environ 185.000 euros) de cadeaux de la part de richissimes personnalités, notamment du producteur Arnon Milchan et du milliardaire australien James Packer, en échange de faveurs financières ou personnelles.

Dans ce dossier, M. Netanyahu est accusé de fraude et d’abus de confiance. Il affirme n’avoir fait qu’accepter des présents de la part d’amis, sans les avoir sollicités.

– Mediagate –

Dans le « dossier 2000 », le Premier ministre aurait, selon les enquêteurs, tenté de s’assurer une couverture favorable dans le plus grand quotidien payant d’Israël, le Yediot Aharonot.

Il aurait essayé de mettre en place un accord avec le patron du journal, Arnon Moses. En retour, M. Netanyahu aurait évoqué la possibilité de faire voter une loi qui aurait limité la diffusion d’Israel Hayom, quotidien gratuit et principal concurrent du Yediot.

L’accord n’a finalement jamais été conclu mais M. Netanyahu est mis en examen pour fraude et abus de confiance.

Ari Harow, un ancien chef de cabinet de M. Netanyahu, a accepté de témoigner pour bénéficier d’un régime de clémence.

M. Netanyahu assure qu’il était le principal adversaire de la loi en question et dit avoir même provoqué les élections anticipées de 2015 pour la bloquer.

Et maintenant ? –

Le Premier ministre a indiqué qu’il ne démissionnerait pas s’il était mis en examen. Il n’est d’ailleurs pas tenu de le faire selon la loi.

A l’issue de deux élections législatives, l’une en avril, l’autre en septembre, le pays n’a pas réussi à former un nouveau gouvernement. M. Netanyahu est donc toujours Premier ministre.

Il sera contraint de démissionner s’il est finalement condamné et que toutes les voies de recours ont été épuisées, ce qui pourrait prendre des années.

Mais la décision de la Justice pourrait compliquer sa tentative de rester au pouvoir

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