© REUTERS

Barack Obama : « J’ai trop fait confiance aux Européens »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Ces derniers mois, le journaliste Jeffrey Goldberg, de The Atlantic, a pu parler des heures durant avec Barack Obama de sa politique étrangère. Voici quelques morceaux choisis.

Dans ce long entretien, le Président américain revient sur plusieurs moments-clés de sa politique étrangère. Il se confie notamment sur la situation en Syrie avec Bachar Al-Assad. En effet, le Président américain était initialement contre une intervention militaire en Syrie, mais au fil du temps la question est devenue de plus en plus pressante. « La seule manière pour nous de faire la différence (ndlr : pour les citoyens en Syrie), c’était d’envoyer des troupes au sol« , s’est-il dit à l’époque, alors qu’il voulait à tout prix éviter que les Etats-Unis soient impliqués dans une nouvelle guerre. L’actuel président était en effet aux prises avec l’héritage de son prédécesseur, George Bush. « Sans les guerres en Irak et en Afghanistan, j’aurais peut-être pris plus de risques avec la Syrie « . Il trouve notamment que Washington est généralement obsédé par l’idée de crédibilité de la présidence, surtout en matière de violence : « Lancer des bombes uniquement pour prouver que vous osez le faire, c’est une très mauvaise idée« .

Caractère contradictoire

Le journaliste Jeffrey Goldberg, qui avait déjà rencontré Obama en 2006, observe un changement : « Obama a atteint un certain nombre de réalisations historiques au cours de sa présidence. Il a négocié les accords de Paris sur le climat, et a permis des ouvertures avec Cuba et l’Iran. Cependant, il est devenu beaucoup plus fataliste qu’en 2006. Il ne croit plus que les Etats-Unis peuvent vraiment changer le monde, parce qu’il est devenu convaincu qu’il y a des forces insurmontables qui empêchent un réel changement « , écrit-il dans son article pour The Atlantic.

Obama est convaincu que, sur la scène internationale, rien ne se passe si l’Amérique ne prend pas l’initiative. En tant que Président, il a pris sur lui pour forcer d’autres pays à prendre l’initiative. Il estime que l’ordre démocratique mondial ne peut pas se dresser contre la violence des terroristes, la pression de la Russie ou l’expansion de la Chine si les autres ne font pas leur part du travail.

Les traits d’Obama, notamment en termes de politique étrangère, sont assez contradictoires. Sa politique est parfois qualifiée de passive, voir faible, mais il n’hésite pas à intervenir, même unilatéralement si nécessaire. Il a également la réputation d’être prudent et réfléchi, mais n’a pas hésité à modifier la politique étrangère américaine en débloquant des problèmes datant de plusieurs décennies, comme cela a été le cas avec Cuba.

Intervention en Libye et passivité des Européens

Il revient notamment sur l’intervention militaire en Libye en 2011, où les Américains ont bombardé les troupes de Kadhafi pour éviter un génocide. Obama était sceptique quant à cette attaque, mais s’est laissé convaincre par son administration. « La première option était de ne rien faire. Mon regard sur la situation était tel que, tant que ce n’était pas le chaos complet ou la guerre civile en Libye, ce n’était pas notre problème. A ce moment-là, l’Europe et plusieurs pays du Golfe, qui détestaient Kadhafi ou étaient préoccupés par les questions humanitaires, demandaient d’agir. L’habitude durant les précédentes décennies, c’était de nous pousser à agir, mais personne d’autre ne voulait risquer sa peau« . Le Président explique avoir alors appelé à une coalition internationale, avec les Européens et les pays du Golfe. « Nous avons eu un mandat des Nations Unies, nous avons construit une coalition internationale « , mais Obama qualifie cette intervention de catastrophe. Pas à cause de l’incompétence de son pays, selon lui, mais de la passivité de ses alliés, notamment européens.

« J’ai trop fait confiance aux Européens, qui offraient une proximité avec la Libye et devaient être plus investis dans le suivi (…) La Libye se trouvant aux portes de l’Europe, je pensais qu’ils allaient prendre la question très sérieusement, mais je me suis trompé. David Cameron a rapidement perdu l’attention vis-à-vis de l’affaire, car il était distrait par des problèmes intérieurs« .

« Le Président Nicolas Sarkozy était un fervent partisan de l’intervention. Il a proclamé partout avec fierté que la France avait pris la tête des frappes aériennes, mais c’est nous qui nous sommes occupés des gros travaux. Ensuite, l’année suivante, il a n’a pas été réélu, et la France était moins intéressée par un règlement propre de l’affaire« .

Le Président aborde également d’autres thèmes, comme l’Etat islamique, la montée en puissance de la Chine, sa politique vis-à-vis du Moyen-Orient, ou encore sa relation avec le Président russe Vladimir Poutine. L’interview intégrale (en anglais) est à retrouver ICI.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire