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Baghdadi, l’énigmatique « calife » de l’EI

Le Vif

Proclamé « calife » de tous les musulmans par son groupe Etat islamique (EI), Abou Bakr Al-Baghdadi, qui a appelé jeudi les jihadistes à résister à l’avancée de l’armée irakienne à Mossoul, demeure un personnage énigmatique qui préfère l’ombre à la lumière.

Baghdadi est l’un des hommes les plus recherchés de la planète. Les Etats-Unis offrent 10 millions de dollars pour sa capture.

Mais il reste introuvable et invisible, alors même que l’EI a développé un vaste arsenal médiatique en diffusant de multiples photos ou vidéos de ses offensives et exactions.

« Il est plutôt remarquable que le chef du groupe terroriste le plus soucieux de son image soit si discret », soulignait en juin 2015 Patrick Skinner, du cabinet de consultants Soufan Group.

En deux ans, le « calife Ibrahim » n’est apparu que sur une seule vidéo, filmée dans une mosquée de Mossoul et diffusée en juillet 2014. Portant barbe grise, turban et habit sombres, il ordonne à tous les musulmans de lui « obéir », quelques jours après la proclamation du « califat » sur les larges territoires sous son contrôle à cheval entre la Syrie et l’Irak.

Jeudi, Al-Furqan, un média affilié à l’EI, a diffusé un message audio dans lequel une voix présentée comme étant celle de Baghdadi appelle ses troupes à résister à l’avancée de l’armée irakienne à Mossoul, qui a lancé une vaste opération mi-octobre. Sa dernière déclaration publique remontait à décembre 2015.

‘Dimension mystérieuse’

Baghdadi « a une dimension mystérieuse qui vient du fait qu’il a survécu à de multiples tentatives pour le faire disparaître », indiquait en juin 2015 Aymenn al-Tamimi, expert au Middle East Forum.

Selon un document des services secrets irakiens, Baghdadi, né en 1971 à Samarra au nord de Bagdad, possède un doctorat en études islamiques et a été professeur à l’université de Tirkrit (nord). Il a eu quatre enfants avec sa première femme entre 2000 et 2008, puis un autre fils avec sa deuxième femme.

Dans un entretien au quotidien suédois Expressen en mars 2016, Saja Al-Doulaimi, qui l’a quitté après trois mois de mariage, le décrit comme un « père de famille normal », professeur d’université, adulé des enfants.

Il a rejoint l’insurrection en Irak peu après l’invasion américaine en 2003, et aurait été incarcéré dans un camp de détention américain.

Les forces américaines avaient annoncé en 2005 la mort d’Abou Douaa – l’un de ses surnoms – dans une frappe. Mais il est réapparu en 2010 à la tête du groupe Etat islamique en Irak (ISI), branche irakienne d’Al-Qaïda.

Baghdadi est ensuite parvenu à transformer ce groupe en la plus puissante, riche et brutale organisation jihadiste au monde.

Profitant de la guerre civile en Syrie et de l’instabilité en Irak, son organisation, affranchie d’Al-Qaïda, prend pied dans le premier pays en 2013, avant de lancer en juin 2014 une offensive fulgurante chez le voisin irakien.

Baghdadi avait en effet rejeté l’ordre de son rival, le chef d’Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, de se concentrer sur l’Irak et de laisser la Syrie au Front Al-Nosra.

‘L’islam, la religion de la guerre’

Le parcours de Baghdadi diffère également de celui d’Oussama ben Laden, qui avait développé Al-Qaïda grâce à sa fortune et était connu internationalement bien avant les attaques du 11-Septembre, notamment grâce à des vidéos.

« Son accession à la célébrité ne peut se comparer à celle des autres chefs terroristes. Le nom (ben Laden) était célèbre, (ce dernier) mettait en scène sa piété », notait en juin 2015 M. Skinner. Baghdadi au contraire « évite la lumière » et parle dans ses discours « de son califat et de ses ennemis, pas de lui-même ».

Dans un enregistrement diffusé le 14 mai 2015, il exhortait les musulmans, soit à rejoindre le « califat », soit à mener la guerre sainte dans leur pays. « L’islam n’a jamais été la religion de la paix, l’islam est la religion de la guerre », martelait-il.

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