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« Avec ce dédommagement, Costa veut acheter le silence des rescapés »

La compagnie Costa Crociere, propriétaire du Concordia, propose une indemnisation de 11 000 euros pour les rescapés du naufrage. La réaction de Me Bertrand Courtois, avocat spécialiste du droit maritime, qui travaille très étroitement avec le comité de victimes.

La compagnie Costa Crociere, propriétaire du Concordia, vient de proposer un dédommagement unique de 11 000 euros pour les rescapés du naufrage. A cette somme s’ajouteront 3000 euros, destinés à couvrir le prix du billet pour la croisière et les éventuels frais de transport ou médicaux. Que pensez-vous de cette proposition?

Nous prenons note de cette proposition, mais il est trop tôt pour que nous puissions nous prononcer. Je suis néanmoins sceptique sur une telle offre. 14 000 euros, cela me semble largement en-deça de ce que les rescapés peuvent réclamer. On peut, en effet, penser à première vue que la compagnie fait un geste envers les victimes, mais les intentions ne me semblent pas correctes. En dégainant aussi rapidement une proposition qui peut sembler alléchante à première vue, elle ne laisse pas le temps aux victimes de s’organiser collectivement, de se renseigner sur les possibilités de recours et de se remettre de ce drame pour aborder la question sereinement. C’est un moyen pour Costa Crociere d’acheter le silence des rescapés. Accepter cette somme signifie, en effet, s’engager à ne pas intenter d’action au pénal ou au civil.

Costa Crociere estime pourtant que 85% des rescapés vont accepter cette somme…

C’est de la communication mensongère. Je me suis entretenu avec mes collègues italiens et on est loin d’un tel chiffre. C’est déloyal car c’est une manière d’inciter les gens à accepter. D’autant qu’une partie des victimes connait, depuis le naufrage, des problèmes financiers importants. Les frais de retour, le serrurier, l’éventuel rachat de lunettes ou de produits de santé a sérieusement entamé les budgets. La croisière malgré l’aspect grand luxe du paquebot ne coûtait pas très cher – les premiers billets étaient vendus aux alentours de 500 euros – et attirait donc des petits budgets. Ces derniers sont aujourd’hui obligés de puiser dans leurs économies pour faire face. Ils peuvent donc être alléchés par une telle somme. D’autant que jeudi, lors d’une réunion entre le comité de victimes et les représentants français de Costa Croisières, la compagnie a refusé d’accorder l’avance sur dédommagement de 7000 euros destinée à couvrir les frais de retour et la réparation des dépenses de première nécessité que nous souhaitions.

Combien réclamez-vous? Il est bien trop tôt pour le dire, mais nous souhaitons une juste indemnisation pour les victimes. Cela passe notamment par une personnalisation des réparations. Le préjudice psychologique n’est pas le même si vous avez été bloqué une heure dans un couloir et que vous avez cru vivre vos derniers instants et si vous étiez sur le pont au moment de l’évacuation. Il n’est pas le même si vous êtes un enfant ou une personne âgée. La compagnie refuse de faire des distinctions au prétexte que tous les passagers étaient embarqués dans la même galère. Mais c’est injuste. Ou alors il faut que l’indemnisation soit basée sur le préjudice subit par les personnes qui ont le plus souffert.

Caroline Politi; L’express.fr

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