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Au Pakistan, « l’oncle pauvre » Ben Laden se baladait avec un chapeau de cowboy

Le Vif

Dans sa dernière tanière au Pakistan, Oussama Ben Laden menait une vie solitaire et frugale, prenait l’air la tête cachée sous un chapeau de cowboy et mangeait du chocolat pour se remonter le moral à l’occasion, révèlent les témoignages de ses proches.

La chaîne qatarie Al-Jazeera a diffusé tard lundi soir sur son site internet le rapport final de la commission d’enquête pakistanaise chargée de déterminer comment le chef d’Al-Qaïda, alors considéré comme l’homme le plus recherché du monde, a pu vivre près de dix ans au Pakistan sans être inquiété, jusqu’au raid d’un commando américain qui l’a tué le 2 mai 2011 à Abbottabad, paisible ville-garnison du nord.

Si le rapport accuse l’armée et les puissants services de renseignement pakistanais de « complaisance » ayant permis à Ben Laden de se cacher une décennie au Pakistan après les attentats du 11-Septembre, et dénonce le raid américain comme un « acte de guerre », il révèle également des détails aussi étonnants qu’insolites sur le quotidien du chef d’Al Qaïda à la fin de sa vie.

Les témoignages devant la commission des femmes de Ben Laden et de celles des deux gardes qui vivaient avec lui au Pakistan montrent un homme qui vivait très modestement, ne recevait aucune visite et cultivait son potager, tout en faisant attention à ne pas éveiller de soupçons sur sa présence.

Ben Laden a fui l’Afghanistan peu après l’intervention militaire occidentale, fin 2001, pour gagner le Pakistan voisin. De 2003 à 2005, il est resté dans une grande résidence à Haripur, petite ville au nord d’Islamabad, puis a migré un peu plus au nord, à Abbottabad, dans une maison neuve située à moins d’un kilomètre de la plus grande académie militaire du pays.

« Lorsque OBL (Oussama Ben Laden) se déplaçait sur le terrain (de la résidence à Abbottabad), il portait un chapeau de cowboy pour ne pas être détecté de haut », souligne le volumineux document. S’il était malade, Ben Laden se soignait en suivant les principes de « la médecine arabe traditionnelle ». Et lorsqu’il avait un coup de blues, il se remontait le moral en croquant « du chocolat et une pomme ».

Au moment de sa mort, le « Cheikh » vivait avec trois de ses femmes, une dizaine de ses enfants et petit-enfants, ses deux gardes, payés chacun un peu plus de 90 dollars par mois, et leurs familles. « Les enfants de la famille d’OBL menaient une vie très règlementée et isolée. OBL veillait personnellement à l’éducation religieuse de ses petit-enfants comme à leurs moments de récréation, par exemple lorsqu’ils faisaient pousser des légumes… », poursuit le rapport.

Les filles de la famille étaient toutefois contraintes dès l’âge de trois ans à une stricte « purdah », ségrégation empêchant par exemple les femmes de voir des hommes… même à la télé.

Le clan Ben Laden vivait aussi séparé des familles des gardes Abrar et Ibrahim, deux frères Pachtounes ayant grandi au Koweït qui géraient son quotidien à Abbottabad, où ils se faisaient appeler Arshad et Tariq Khan. Même les familles de ces derniers n’auraient pas su pendant longtemps qu’elles étaient voisines du chef d’Al-Qaïda.

Un jour, la fille aînée d’Ibrahim, Rahma, a demandé à ses parents pourquoi « l’oncle vivant au-dessus n’était jamais allé au marché ». Son père a inventé une fable selon laquelle, le « grand homme » en question était simplement trop pauvre pour acheter quoi que ce soit et donc n’avait aucun intérêt à aller marché, détaille le rapport. Et la gamine d’aussitôt baptiser Ben Laden « Miskeen Kaka », « l’oncle pauvre ».

Mais « un jour, alors que (la famille) regardait Al-Jazeera, une photo d’Oussama est apparue à l’écran et Rahma a aussitôt reconnu « Miskeen Kaka » qui vivait au-dessus », note le rapport. Pressé de questions par sa famille, le garde Ibrahim dû confier à sa femme que « l’oncle pauvre » était bien Oussama Ben Laden. C’était cinq mois à peine avant le raid américain nocturne qui a tué le chef d’Al-Qaïda.

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