Thierry Denoël

Attentats de Paris: la vengeance ne sert à rien

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Vouloir se venger quand on a mal ou quand on a le sentiment d’avoir subi une profonde injustice est un réflexe humain, instinctif, naturel. Le soulagement est immédiat, la colère vite apaisée. Réagir brutalement, frapper fort, blesser sans se préoccuper des conséquences. Et ensuite ? Pour quel chaos ?

Se venger, après les ignominieux attentats de Paris, c’est céder au populisme, aux discours diviseurs, à la méfiance généralisée vis-à-vis d’une partie de la population, aux commentaires haineux ou provocants sur les réseaux sociaux et les sites d’information, à l’ostracisme d’une religion qu’il ne faut pas confondre avec la barbarie terroriste, aux amalgames faciles qui nourrissent les fractures et donnent aujourd’hui l’opportunité à la Pologne de refuser ses obligations européennes vis-à-vis des immigrés, à la harangue du républicain américain pur et dur Newt Gingrich pour la légalisation du port d’armes en France…

La vengeance ne sert qu’à s’enfoncer dans la violence, à déstabiliser notre démocratie, déjà fragile, qui reste – quoiqu’on en pense – le « moins mauvais des systèmes » pour vivre ensemble librement. La vengeance est une réaction simpliste qui, par ailleurs, permet de taire notre part de responsabilité occidentale dans le délabrement des sociétés irakienne et syrienne, mais aussi dans le malaise de nos propres sociétés où une poignée grandissante de jeunes ont perdu tout instinct de vie et ne rêvent qu’à se faire exploser en tuant un maximum d’innocents autour d’eux. Des jeunes forcément égarés qui ont trouvé refuge dans un endoctrinement absurde et des promesses illusoires.

u003cstrongu003eLa vengeance ne sert qu’à s’enfoncer dans la violence, à déstabiliser notre démocratie, déjà fragile, qui reste le u0022moins mauvais des systèmesu0022 pour vivre ensemble librement.u003c/strongu003e

Même s’ils sont recrutés, encouragés, soutenus, armés par une structure idéologique et stratégique puissante, ces terroristes ne sont guère très différents de tueurs, comme les ados meurtriers du lycée Columbine, dans le Colorado, ou Anders Breivik pétri de fantasmes néonazis, auteur des deux tueries sanglantes qui ont fait 77 morts à Utoya en Norvège en 2012, ou même Andreas Lubitz, ce copilote allemand qui, en mars dernier, a froidement crashé dans les Alpes un Airbus A320 avec ses 144 passagers… Tous ces assassins, qui ont grandi chez nous, n’ont plus rien d’autre à gagner qu’à détruire, y compris eux-mêmes, pour entrer dans une macabre postérité. Pour les terroristes, la religion n’est qu’un prétexte leur permettant de justifier un acte de désespoir dévastateur.

Se venger, c’est éviter la question cruciale « Comment en est-on arrivé-là ? ». C’est éviter les réponses complexes qui font appel à l’imagination pour ne plus laisser pousser des abcès anonymes et silencieux qui, quand ils éclatent, nous anéantissent tous indistinctement. Si nécessaires qu’elles soient, la répression, les mesures de sécurité et la riposte militaire ne suffisent pas. Il faut bien le constater, depuis les actes terroristes d’Al Qaeda, au cours de la précédente décennie. Les cibles potentielles des terroristes et autres tueurs fous sont tellement nombreuses qu’il est stupide de croire qu’on soignera le mal uniquement par la répression et les mesures de sécurité. Il faut, avant tout, des promesses vraies qui tiennent, qui ne retombent pas en même temps que l’émotion des citoyens-électeurs.

On soigne le désespoir qu’avec de l’espoir.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire