Lors du voyage officiel du président français au Sénégal, Brigitte Macron visite, le 2 février, l'île de Gorée. A son arrivée, elle se rend sur un marché, où elle pose ici pour une photo, puis dans un internat pour jeunes filles. © SEYLLOU/POOL/REUTERS

Après neuf mois à l’Elysée, Brigitte Macron trouve ses marques

Le Vif

Au fil d’une communication soigneusement préparée et contrôlée.

Se tenir derrière lui ? Hors de question. Le 19 septembre dernier, Emmanuel Macron prononce son premier discours de président devant l’Assemblée générale des Nations unies. Le protocole prévoit que Brigitte Macron soit assise dans son dos. Une situation absolument contraire à l’idée que l’épouse du chef de l’Etat français se fait de la place de la femme au sein du couple, contraire aussi à l’image qu’elle veut donner d’eux deux : elle et lui côte à côte, ou elle un peu en retrait quand c’est nécessaire, mais certainement pas elle derrière lui. La première dame demande donc à changer de siège, en vain. Qu’à cela ne tienne : Brigitte Macron va s’asseoir ailleurs sans le consentement de personne – c’est parmi les membres de la délégation française, sur le côté de l’hémicycle, qu’elle écoute ce jour-là le discours de son mari.

Mme Macron a une obsession : rester elle-même. Ne pas tricher sur son âge. Porter encore des jupes courtes à l’Elysée. Continuer d’être celle que les Français ont découverte lorsque son époux a été nommé à la tête du ministère de l’Economie, en août 2014 ; celle qui suscite depuis l’été 2016, et les prémices de la candidature élyséenne d’Emmanuel Macron, un incroyable engouement populaire. Elle est un argument de vente impressionnant : presque une semaine sur deux, Brigitte Macron a son visage en Une de Closer ; lorsqu’elle est le sujet principal de la semaine, les ventes augmentent d’environ 10 % ; Gala l’a mise sept fois en couverture entre mars et octobre 2017 ; Paris Match a choisi d’afficher à onze reprises le couple Macron en couverture depuis le 14 mars 2016, contre une seule fois le président sans sa femme. Sur son site, l’hebdomadaire a d’ailleurs dédié une journaliste au seul suivi de l’actualité de Madame, tant elle est un facteur d’audience…

Pour un déplacement surmédiatisé, elle en fait dix sans caméra ni micro

Petit à petit, Brigitte Macron trouve sa place de première dame, celle à laquelle elle est tellement attachée : à côté. Elle a pris confiance, se montre plus, parle plus, bien qu’elle n’ait accordé qu’une seule longue interview depuis qu’elle est entrée à l’Elysée : au magazine Elle, le 18 août. La date ? Choisie au coeur de l’été, en pleine vacance du pouvoir. Surtout, ne pas empiéter sur le temps politique. Pour des raisons identiques, Brigitte Macron n’a ouvert ni compte Instagram, ni compte Twitter, ni profil Facebook. Elle n’a aucune présence sur les réseaux sociaux dont le succès pourrait porter ombrage à l’action de quelque membre du gouvernement, voire… du président en personne.

Elle redoute encore d’être sollicitée sur les questions d’actualité, craint de s’égarer en donnant son avis – elle trouve pourtant, par exemple, que les journaux télévisés en font trop sur les faits divers, sans chercher à leur  » donner sens « . Brigitte Macron sait qu’elle n’a que des coups à prendre : entre son angoisse de ne pas trouver la réponse adéquate et sa propension quasi enfantine à trouver  » formidable  » l’ensemble de l’oeuvre de son époux, elle peut proférer quelques énormités, comme ces mots lâchés à la veille de la dernière rentrée scolaire, fin août :  » Mon mari va tout faire pour que ça se passe le mieux possible. […] (Il y a) un très bon ministre de l’Education nationale, donc la rentrée va être très bien !  »

Une stratégie de « cartes postales »

Aujourd’hui, la première dame choisit soigneusement les sujets (toujours consensuels) sur lesquels elle veut qu’on l’entende. Avec ses deux collaborateurs, Pierre-Olivier Costa et Tristan Bromet, qu’elle appelle  » les garçons « , elle a opté pour une stratégie de  » cartes postales  » : les Français la voient régulièrement, mais dans des situations qu’elle contrôle et où elle se montre agissante, pas d’interviews à proprement parler ; des situations où personne ne viendra lui chercher des noises. Le 16 octobre, elle lit la dictée d’ELA, une association qui lutte contre les maladies génétiques rares. Quelques jours plus tôt, en pleine Fashion Week parisienne, plutôt que d’apparaître au premier rang des défilés de créateurs d’ultraluxe, elle s’intéresse aux étudiants de l’Institut français de la mode. Le 3 février, pendant le voyage d’Etat du couple au Sénégal, elle parle éducation à BFMTV, alors qu’elle effectue, en marge du programme du chef de l’Etat, une visite dans un établissement pour jeunes filles. Pour un déplacement surmédiatisé, comme celui qu’elle effectue au zoo de Beauval le 4 décembre, où elle baptise un bébé panda, elle en fait dix sans caméra, sans micro, sans journaliste.

Le 16 octobre dernier, elle est professeure d'un jour au profit de l'association ELA, qui lutte contre les leucodystrophies.
Le 16 octobre dernier, elle est professeure d’un jour au profit de l’association ELA, qui lutte contre les leucodystrophies.© P. WOJAZER/REUTERS

A Noël, Brigitte Macron est à l’hôpital Necker, dans le service pédiatrique de soins palliatifs. Au moment des inondations, elle doit rencontrer des agricultrices, avant d’annuler son déplacement à cause de la neige. Tous les soirs, vers 19 h 30, elle quitte l’Elysée avec  » les garçons  » pour un débriefing loin du Palais, au hasard des rues de Paris. Là, tranquillement, elle peut aussi bien s’entretenir avec un passant des difficultés qu’il rencontre pour scolariser son enfant autiste que s’agacer de voir circuler une vidéo diffusée, sans qu’elle en ait été avertie, par la responsable de la communication du président. Sur les images, on la voit esquisser quelques pas de danse avec son époux pendant le voyage au Sénégal – lui qui a horreur de danser !

Brigitte Macron a compris qu’il devenait urgent de trouver un moyen de diffuser elle-même les informations la concernant. Pour éviter d’apprendre par le Net qu’elle aurait rendu Nemo, le chien présidentiel, au chenil ; ou qu’elle allait assister à l’enterrement de Paul Bocuse. A défaut de vouloir transmettre via les réseaux sociaux, il devenait donc important de voir des journalistes. Désormais, non seulement  » les garçons  » prennent le temps de recevoir la presse mais surtout, la première dame n’hésite plus à passer une tête pour rencontrer leurs visiteurs, plaisanter, parler un instant de tout et de rien, nouer le contact. La seule chose qu’elle ne supporte pas, c’est qu’on critique son mari. Pour ce qui la concerne, elle a davantage de recul – les insultes, les mots cruels, les lettres anonymes, elle connaît :  » Il y avait les mêmes dans la boîte aux lettres de mes parents  » à Amiens, confie-t-elle, lorsqu’elle a tout quitté pour vivre avec un homme plus jeune qu’elle.

Image contrôlée

L’image de Brigitte Macron n’est pas seulement l’affaire des  » garçons « . Elle implique aussi Michèle Marchand, la fameuse  » Mimi « , patronne de l’agence Bestimage ( » l’actualité des beautiful people « , précise le site) et très proche de Brigitte Macron. Au point d’assister tous les jeudis matin à l’Elysée à une réunion où se retrouvent Pierre-Olivier Costa, Tristan Bromet et Bruno Roger-Petit, conseiller du président. Souvent, elle arrive d’ailleurs un peu plus tôt pour discuter avec eux avant de rejoindre celle que tous appellent  » Brigitte « .

La seule chose qu’elle ne supporte pas, c’est qu’on critique son mari.

Michèle Marchand est un rouage essentiel dans le dispositif : elle conseille, elle protège, elle alerte. L’éditorialiste Christophe Barbier revient, dans  » Le Roman du président  » (L’Express du 7 février), sur les rumeurs d’homosexualité à propos d’Emmanuel Macron ? Des proches assurent que Michèle Marchand l’a signalé à l’équipe de communication : il faut l’appeler, ne pas laisser passer. On voit Emmanuel Macron sur les photos de la rencontre entre Brigitte Macron et Angelina Jolie diffusées par le Palais ? C’est encore Michèle Marchand qui le regrette : la visite était au seul agenda de la première dame. Une chose est acquise – la patronne de Bestimage a la main sur la plupart des reportages photo concernant son amie.  » On est Mimi-Marchand-dépendants !  » plaisante ainsi un journaliste de Paris Match. L’hebdomadaire prépare une visite guidée de l’Elysée avec Brigitte Macron. Visite dont les clichés seront, comme toujours, signés… Bestimage.

Certains patrons d’agences rivales affirment que Mimi Marchand retouche les portraits de la première dame, pour atténuer les stigmates du temps. L’intéressée l’a toujours démenti. A ce jour, les informations parues dans la presse sur ses extensions capillaires ont d’ailleurs plus soucié Brigitte Macron que les rides sur son visage, dont elle dit régulièrement qu’elle les assume toutes. Récemment, alors qu’elle s’inquiétait de voir son président de mari plus fatigué que de coutume, elle y a cependant trouvé un motif de satisfaction, qu’elle a confié en riant à son entourage :  » Il se réveille beaucoup plus froissé qu’il y a huit mois… Il est en train de me rattraper !  »

Élise Karlin.

« Brigitte » , icône de la presse people

Selon Closer, les ventes augmentent de 10 % lorsque la première dame est bien visible sur la Une de l'hebdomadaire.
Selon Closer, les ventes augmentent de 10 % lorsque la première dame est bien visible sur la Une de l’hebdomadaire.

Closer est le premier magazine à publier une photo du couple Macron, le 5 septembre 2014. Le cliché est alors en simple appel de Une :  » En couple avec son ex-prof ! Et elle a vingt ans de plus !  » Le 6 mai 2016, pour la première fois, c’est la photo principale de couverture :  » Un week-end avec Brigitte pour tout oublier.  » Depuis, l’hebdomadaire people a mis le couple en Une à huit reprises et Brigitte Macron seule sur trois numéros. Selon les chiffres communiqués par Closer, dès que la première dame est bien visible en couverture, les ventes augmentent d’environ 10 %, parfois plus ( » Dans l’intimité des Macron « , reportage à l’Elysée, 19 mai, + 13 %), parfois beaucoup plus ( » La présidence normale, c’est elle ! « , Brigitte Macron sur la plage du Touquet avec ses petits-enfants, 30 juillet, + 20 %). Le 22 septembre, pour une fois, Closer choisit un angle plus critique à l’égard de l’épouse du président :  » Maintenant, c’est elle la patronne !  » Non seulement le numéro ne se vend pas mieux que les autres, mais encore il se vend moins bien que le numéro publié à la même date un an plus tôt. Message reçu.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire