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Après deux décennies noires, Goma retrouve la prospérité

Le Vif

Assise devant une poignée de tilapias du lac Kivu protégés du soleil par une couche de feuillages, Chantal Nabintu, poissonnière ambulante à Goma, regarde les engins de chantier terrasser la rue de terre et de rocaille et se prend à rêver d’un trajet sans secousses.

Comme tant d’autres habitants du chef-lieu du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), elle se réjouit de la transformation récente d’une ville que les tourments de l’histoire n’ont pas épargnée.

« Nous autres, habitants du quartier Kyeshero sommes très contents de voir ces travaux parce que les conducteurs de taxis-bus se plaignent de venir du centre jusque chez nous à cause du mauvais état de la route », dit-elle. Et dans l’autre sens, « il y a tant de secousses qu’on arrive vermoulus ».

Lorsque le Congo obtient son indépendance de la Belgique, en 1960, Goma est une ville d’importance secondaire de la grande province du Kivu, sur la rive nord du lac éponyme. A l’image du reste du pays, elle voit les infrastructures laissées par les Belges se dégrader sous l’effet de la longue incurie du régime du dictateur Mobutu Sese Seko.

Après le génocide de 1994 au Rwanda, la ville, frontalière de ce pays (et qui compte aujourd’hui plus d’un million d’habitants), voit sa population plus que doubler avec l’afflux de centaines de milliers de réfugiés hutu rwandais. Pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), elle passera sous la coupe de rebelles soutenus par l’Ouganda et le Rwanda et sera dévastée en 2002 par l’éruption du volcan Nyiragongo qui la domine.

Assiégée à plusieurs reprises pendant les guerres provoquées par les rébellions à dominante tutsi dans l’est congolais après 2006, Goma tombe fin 2012 pendant plusieurs jours aux mains de la dernière d’entre elles, le Mouvement du 23 Mars (M23), après la débandade des Casques bleus et soldats congolais commis à sa défense.

Depuis la défaite du M23, en novembre 2013, ses habitants, les Gomatraciens, rêvent d’une paix enfin durable et du développement d’une région au fort potentiel agricole, touristique et minier, dans un des pays les moins avancés au monde.

La rénovation de la piste de l’aéroport et l’ouverture, en 2015, d’une liaison aérienne régulière avec Addis Abeba exploitée par Ethiopian Airlines a contribué à désenclaver la ville. En l’espace d’un an, son centre a radicalement changé de visage en déroulant désormais des kilomètres de rues asphaltées. Jour et nuit, engins et ouvriers s’activent.

De petits trottoirs proprets bordent désormais des murets en pierre de lave délimitant des parcelles de particuliers.

Le gouvernement local, les entreprises pétrolières, la mission de l’ONU au Congo (Monusco) et l’Union européenne ont financé les différents travaux.

Les grands axes routiers du centre de la ville sont goudronnés grâce à des fonds européens et du gouvernement central; les axes secondaires le sont grâce à une taxe récemment perçue par les autorités locales sur le prix de vente de l’essence. « Le prix du carburant a augmenté à cause de (cette) contribution, mais nous ne nous plaignons pas pour ça », reconnaît Fabrice, taxi-moto de 27 ans.

Désormais, quand « je rentre chez moi après avoir roulé toute la journée, je ne sens pas beaucoup la fatigue et la douleur parce que je roule sur une bonne route », et aussi, « je rentre le soir en étant propre ».

L’asphaltage des rues a réduit en effet considérablement la poussière qui nimbe les quartiers où le goudron n’est pas encore arrivé.

« La ville commence à devenir propre et les accidents de la circulation diminuent », remarque Héritier, jeune de 26 ans désoeuvré au rond-point Vie-Sportive.

La modernisation du tissu routier a également permis une baisse de 40% du coût du transport, bienvenue pour une population largement très pauvre: il n’en coûte désormais plus que 300 francs congolais (0,3 euro) pour rallier le centre à partir d’un bout de la ville.

Il reste encore beaucoup à faire, certes: le goudron est encore loin d’avoir recouvert toutes les rues de la ville et seule une petite minorité de la population dispose d’un accès à l’eau courante et à l’électricité.

Mais dans un pays réputé pour sa mauvaise gouvernance, ces travaux d’amélioration donnent à Héritier « l’espoir d’autres réalisations concrètes » pour le bien-être de la population.

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