Angela Merkel : le mandat de trop ?

Alors qu’on imaginait la reconduite très confortable de la Chancelière allemande aux commandes de la première puissance économique européenne en raison justement d’un bilan socio-économique gratifiant, voilà qu’Angela Merkel, sans toutefois mordre la poussière, essuie une défaite nette, descendue à 33% des votes.

Son partenaire socialiste, le SPD ne tire guère mieux les marrons du feu de la Grande coalition en atteignant qu’un maigre 20,5%. Il en tire les conséquences en décidant de se refaire une santé dans l’opposition.

Les deux gagnants des élections sont l’AfD (Alternative für Deutschland) qui obtiendra plusieurs dizaines de sièges au Bundestag grâce à ses presque 13% et les libéraux du FDP (centre-droit) qui font en quelque sorte leur retour au parlement avec près de 11% des voix.

Même si un million de voix de l’AfD viendraient du SPD, la chancelière paie vraisemblablement sa promesse d’accueillir en Allemagne près d’1,5 million de réfugiés essentiellement syriens. Ses motivations demeurent à cet égard quelque peu obscures : générosité d’une femme sans enfants, fille de pasteur, ayant vécu le stalinisme est-allemand et traumatisée par le souvenir du nazisme ? Utilitarisme face à une pénurie de main-d’oeuvre criante dans les usines allemandes ?

Toujours est-il qu’Angela Merkel avait pris à l’époque l’Europe par surprise et renforcé les flots de migrants à travers les Balkans et l’Autriche au grand dam de ses partenaires européens peu préparés à cet exode. On se souvient du chaos dans les gares comme celle de Munich et aussi de l’affaire des agressions sexuelles à Cologne qui sont partiellement imputables à des demandeurs d’asile. Depuis, plusieurs villes allemandes connaissent à intervalle régulier ce type de problèmes.

Angela Merkel pourrait donc, à la manière de Margaret Thatcher démissionnée lors de sa troisième mandature, entamer le mandat de trop

Si l’Allemagne, en dénatalité dramatique, autour de 1,5 enfant par femme, connaît des pénuries de main-d’oeuvre, une politique d’immigration tablant sur l’exemple canadien basé sur un système à point lié au diplôme, à l’âge, au métier et aux capacités d’intégration du candidat à l’immigration aurait été plus adéquate plutôt que profiter d’une guerre civile sanglante dans le Grand Moyen-Orient.

Une réponse nataliste peut aussi être apportée au système allemand en manque de fécondité. Pauvre en crèche et en accueil de la petite enfance, l’Allemagne prive trop souvent les mères d’une carrière décente et les maintient anachroniquement dans le fameux « trois K » (« Kinder, Küche und Kirche » ou « enfants, cuisine et église »), représentation des valeurs traditionnelles dévolues aux femmes pendant le Troisième Reich.

L’AfD signe-telle le retour de celui-ci ? Il est outrageux de comparer ce parti populiste au Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, (NSDAP) d’Hitler comme il est odieux de présenter Theo Francken en officier nazi. Ceux qui font ces amalgames ne veulent rien connaître à la nature intrinsèque du nazisme et son cortège de massacres.

L’AfD n’en demeure pas moins un parti très ambigu. À l’origine créée par des profs d’unif et pas mal de transfuges de la CDU, le parti propose d’un côté des nostalgiques, comme Alexander Gauland, qui estiment que la Wehrmacht (l’armée allemande) a « fait du bon boulot » en 40-45 et qu’Hitler « n’avait pas tout faux » et, d’un autre côté, une aile modérée. Elle est incarnée par Alice Weidel, lesbienne élevant ses deux fils avec sa compagne et Frauke Petry qui vient de faire un pas de côté craignant, un peu à la manière de Florian Philippot, ex-vice-président du Front national, le retour des vieux démons.

Tandis que la classe politique belge et française se renouvelle drastiquement, Angela Merkel pourrait donc, à la manière de Margaret Thatcher démissionnée lors de sa troisième mandature, entamer le mandat de trop.

Un vaste chantier attend toutefois « Mutti » (Mère) et le président français Emmanuel Macron : la « Françallemagne » ou le retour du couple franco-allemand pour relancer le rêve européen. Leur vision commune pourrait toutefois renforcer les populismes si l’Union poursuivait une évolution hyper-centralisatrice à contre-courant du modèle choisi par beaucoup d’États membres y compris l’Allemagne d’ailleurs.

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