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Allemagne: la chancelière vacille mais reste sans réel concurrent

Le Vif

La chancelière allemande Angela Merkel voit son autorité s’étioler pour la première fois depuis onze ans, mais à un an de législatives, malgré une popularité qui flanche et une flambée populiste, elle reste sans véritable concurrent sur la scène politique.

La dirigeante conservatrice a certes subi dimanche lors d’un scrutin régional un désaveu profond qui montre le fossé qui s’est creusé avec une frange de la population allemande depuis qu’elle a ouvert en septembre 2015 les portes de son pays à un million de migrants.

Dans son fief électoral du Mecklembourg-Poméranie occidentale, son parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), est arrivé en 3e position et surtout derrière le parti populiste de l’AfD, en pleine ascension depuis un an.

Son allié bavarois, la CSU, qui croise le fer depuis des mois avec elle sur sa politique migratoire, estime même que le camp conservateur est en péril. « La situation de l’Union (de la CDU et de la CSU) est des plus menacées », a lancé mardi le président de la CSU, Horst Seehofer.

Les gens « ne veulent pas de cette politique menée à Berlin », croit-il savoir.

Merkel à 44%…

Signe du mécontentement: seuls 44% des Allemands souhaitent qu’Angela Merkel sollicite un quatrième mandat, selon un sondage, alors qu’elle n’a pas encore officialisé ses intentions, semblant vouloir repousser son annonce à la fin 2016.

Même si le Land du Mecklembourg, rural et peu peuplé, ne joue qu’un rôle marginal au niveau national, ce vote s’inscrit dans la protestation qui monte contre les migrants alors qu’Angela Merkel continue de défendre bec et ongle sa position.

Mais ce vote marque aussi la grogne grandissante contre des élites et des partis politiques, d’autant plus qu’aucune opposition forte n’existe au Parlement, les sociaux-démocrates (SPD) et la CDU gouvernant ensemble depuis 2013.

Merkel, qui était a 75% d’opinion favorable début 2016, est donc affaiblie et le SPD veut croire qu’il peut profiter. « Le temps du zénith pour Madame Merkel est clairement révolu », assure Ralf Stegner, vice-président du parti.

Au niveau local, dans des communes souvent dépassées par le défi de la prise en charge des migrants, les accusations fusent. « Se contenter de dire +Wir schaffen das!+ (Nous allons y arriver) et laisser aux autres la tâche d’y parvenir, ça ne marche pas », a tempêté le patron des Sociaux-démocrates, Sigmar Gabriel, en référence au slogan de la chancelière.

Si le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung jugeait mardi que « L’Empire de Merkel s’écroule », nombre d’analystes politiques relèvent que l’heure de son crépuscule n’est pas venue.

…toujours ‘la plus forte’

« En fait rien ne change », souligne même Hans Kundnani du centre de réflexion German Marshall Fund après le vote de dimanche. « Il n’y a pas de menace pour Merkel dans une certain sens, en partie parce qu’il n’y a pas d’alternative réelle », selon lui.

Le politologue berlinois Hajo Funke martèle également: « Elle demeure la personne la plus forte de (son) parti. Tous ceux qui lui succèderaient seraient plus faibles ».

Au sein de la CDU, tous les rivaux potentiels ont été éliminés depuis belle lurette.

Si certains noms émergent à intervalles réguliers pour lui succéder, tels ceux du secrétaire d’Etat au ministère des Finances Jens Spahn ou de la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, ils ne sont guère en mesure de lui barrer la route l’an prochain.

Lors du dernier congrès de la CDU, Angela Merkel, un temps chahutée, avait réussi d’une main de maître à resserrer les rangs au point de se voir finalement décerner l’une des plus longues ovations de sa présidence.

Quant à ses concurrents extérieurs, le leader du SPD et vice-chancelier Sigmar Gabriel a bien du mal à s’imposer dans ses propres rangs et aucun commentateur ne croit en sa capacité à battre Mme Merkel.

Si la montée du populisme s’avère réelle au point de mettre un terme à l’exception allemande en Europe, l’Allemagne, en raison de son passé nazi, est loin cependant de voir l’AfD être en mesure de faire tomber la chancelière de son trône.

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