Des milliers de manifestants se sont retrouvés à Alger pour le deuxième anniversaire du Hirak. © belga image

Algérie: le Hirak 2 électrise

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le président Abdelmadjid Tebboune tente de prévenir le redémarrage de la contestation massive du régime, deux ans après son éclosion.

Le Hirak, le soulèvement populaire algérien, est-il reparti de plus belle, deux ans après son éclosion dans les rues d’Alger? Le lundi 22 février, des milliers de manifestants ont défilé dans la capitale, répliquant l’effet de surprise provoqué en 2019. La mobilisation, à l’époque, avait abouti au retrait de la candidature, la cinquième, à l’élection présidentielle du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika. C’est Abdelmadjid Tebboune, un autre cacique du régime, qui a été – mal – élu en décembre 2019. Le scrutin s’est déroulé dans le contexte de la poursuite des manifestations du Hirak – elles dureront jusqu’en mars 2020, entravées alors par l’épidémie de Covid – et a été marqué par un taux d’abstention record dans l’histoire de l’Algérie, quelque 60%.

Les slogans des manifestants de 2021 n’ont pas épargné le nouveau président, aux cris de « Tebboune est une fraude », « Etat civil et pas militaire » ou « Nous ne sommes pas ici pour faire la fête mais pour faire partir ». Pourtant, Abdelmadjid Tebboune s’est démené dans les jours qui ont précédé l’anniversaire de la révolte pour tenter d’en atténuer l’impact. Le jeudi 18 février, il a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives anticipées à une date non précisée. Il a remanié son gouvernement pour se séparer de ses membres jugés peu efficaces. Et il a ordonné la libération de « prisonniers du Hirak » première version: 35 sur les 70 détenus auraient été élargis le week-end.

Quid au-delà du dégagisme?

Malgré tous ces gestes, certes parcellaires, des milliers d’Algériens ont donc renoué avec l’esprit de contestation pré-Covid. Preuve qu’il s’agit bien d’un changement profond auquel aspirent les opposants. Rien ne prouve pourtant à ce stade qu’il va de nouveau s’installer dans la durée – 56 semaines entre février 2019 et mars 2020 – et qu’il aura plus de chance d’ébranler le pouvoir. « Au cours des deux printemps de 1988 et de 2019, on relève la même lacune: les manifestants restent sur le dégagisme et n’arrivent pas à s’entendre sur la suite à donner, une fois le régime dégagé », pointait l’écrivain algérien Boualem Sansal dans France – Algérie. Résilience et réconciliation en Méditerranée (entretien avec Boris Cyrulnik, Odile Jacob, 2020). « Ils font ce qu’Ibn Khaldoun (NDLR: historien précurseur de la sociologie, 1332 – 1406) disait des Arabes, à savoir qu’ « ils se sont mis d’accord pour n’être d’accord sur rien », alors que les islamistes, qui ont une vision claire du régime qu’ils mettraient en place s’ils parvenaient au pouvoir, se préparent activement dans la clandestinité ». Dans un pays qui a vécu les années 1990 sous l’emprise de la violence islamiste, et malgré le Pacte pour l’alternative démocratique porté par les initiateurs du Hirak, l’incertitude du lendemain peut légitimement faire réfléchir.

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