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Afghanistan: la police afghane infiltrée par les talibans

Des membres supposés de la police afghane ont retourné, ce weekend, leurs armes contre des soldats de l’Isaf, la force de l’Otan en Afghanistan, tuant quatre de ses hommes dans le sud du pays. Infiltrées par les intégristes, les milices afghanes deviennent une menace pour les soldats occidentaux. Au point qu’ils ont dû suspendre leur entraînement.

Les soldats américains pouvaient être fiers de leurs élèves. En quelques jours, les jeunes policiers qu’ils formaient dans cette ville de l’Ouest afghan, à Farah, étaient devenus de très bons tireurs. Un peu trop bons, peut-être? A la fin de l’entraînement, ce 17 août, les recrues ont retourné leurs armes contre leurs instructeurs et les ont abattus de sang-froid. Deux morts. Une semaine auparavant, trois marines avaient été tués dans les mêmes conditions. Ainsi que trois Canadiens, le 2 septembre, alors qu’ils rentraient de patrouille. Depuis le début de l’année, 51 soldats de la coalition, la plupart américains, ont été tués par de « vrais faux » policiers afghans.

C’est la nouvelle stratégie des talibans: infiltrer les forces de sécurité afghanes, que les Occidentaux sont en train de mettre en place, et frapper de l’intérieur. Cible principale des fondamentalistes : les « ALP » -la police locale afghane. Créé en juillet 2010 par les Etats-Unis, ce corps a pour mission d’assurer la sécurité dans les communautés rurales. Nommés par les chouras -les assemblées de village-, ses membres sont, en principe, sous l’autorité du chef de police local.

Mais leur déploiement ne s’est pas fait sans heurts. Recrutements hasardeux, formation symbolique de deux semaines à peine… Dans certaines provinces, comme celles de Baghlan, Herat ou Uruzgan, ces miliciens ont causé plus de troubles qu’ils n’en ont prévenu. Un rapport de Human Rights Watch, une organisation de défense des droits de l’homme, publié en septembre 2011, pointait leurs exactions: assassinats, enlèvements, viols, appropriations de terre… La liste est longue, comme le confirme Zargal -les prénoms ont été modifiés-, entrepreneur en travaux publics, installé à Marjah, dans le Sud : « Ils fument de l’héroïne, ils sont violents et, surtout, ils ne prient pas, dit-il. Pour moi, quelqu’un qui n’est pas loyal envers Allah ne peut l’être envers son pays. » Leurs rapports avec les « vrais » policiers sont souvent compliqués. « Ils ont pacifié le district d’Arghandab, reconnaît un chef de police en poste non loin de là, dans le Sud-Est. Mais depuis, j’ai dû en arrêter plusieurs qui avaient commis des vols. » Mirwal, étudiant à Kandahar, est plus nuancé: « Les « ALP » connaissent les zones qu’ils sont chargés de protéger, puisqu’ils y sont nés. Ils sont les mieux placés pour mener la chasse aux talibans. »

Le problème, c’est que ceux-ci l’ont bien compris. Ils savent que ces miliciens constituent une pièce maîtresse dans le dispositif américain. D’où leurs efforts -fructueux- pour les « retourner ». La situation est si préoccupante que le commandant des forces spéciales américaines a annoncé, le 2 septembre, qu’il suspendait l’entraînement des nouvelles recrues afghanes.

D’ici à 2014, les effectifs de miliciens doivent doubler

A terme, cependant, cette mesure ne va rien régler. Car les Américains ne peuvent interrompre le processus. Le retrait de leurs troupes est prévu en 2014 et, d’ici là, afin de mailler correctement le territoire, ils doivent doubler les effectifs de miliciens -actuellement de 16 000. « Ils les forment à la va-vite, pour avoir la conscience tranquille, critique un diplomate. Mais que deviendront ces mercenaires, une fois les Occidentaux partis? » Zargal redoute ce moment-là: « Pour la plupart, ces miliciens sont des ignorants. Livrés à eux-mêmes, ils rejoindront les talibans ou ils sèmeront le chaos. Il faut les éduquer, leur donner un uniforme et les intégrer à la vraie police. C’est le seul moyen de les contrôler. »

Par Charles Haquet, L’Express

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