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Affaire Clotilde Reiss: justice et diplomatie parallèle

La justice française envisageait depuis plusieurs mois d’accorder une libération conditionnelle à l’Iranien Vakili Rad, condamné pour l’assassinat d’un ancien Premier ministre iranien en France. Ne manquait qu’un geste, très politique, pour lui permettre de regagner son pays.

Fin de partie. En signant le 17 mai, l’arrêté d’expulsion d’Ali Vakili Rad, incarcéré en France pour l’assassinat de l’ex-Premier ministre iranien Chapour Bakhtiar, Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur français, a abattu la dernière carte, très politique, dont disposaient les autorités françaises dans « l’affaire Reiss ». Voilà les comptes soldés. Les énigmes, elles, sont loin d’être toutes dissipées.

Pendant dix mois, le sort de l’étudiante française Clotilde Reiss a en effet suscité d’intenses tractations diplomatiques entre Téhéran et Paris, pendant lesquelles agendas politiques et judiciaires se sont entrechoqués.

Lorsque la jeune femme, lectrice à l’université d’Ispahan, est arrêtée, le 1er juillet 2009, elle est officiellement soupçonnée par l’Iran d’être une espionne française. Dès lors, il apparaît évident que le président iranien voit en elle une monnaie d’échange: Mahmoud Ahmadinejad conditionne ouvertement la libération de la jeune femme au sort réservé aux détenus iraniens en France. Même s’il ne cite pas de nom, il fait référence à deux affaires.

La première concerne Majid Kakavand, un ingénieur, arrêté à Roissy en mars 2009 et poursuivi à la demande des autorités américaines qui le soupçonnent d’avoir acheminé illégalement vers l’Iran des composants technologiques à finalité militaire. Les charges examinées par la chambre de l’instruction de Paris se sont amenuisées au fil des audiences. Kakavand n’a donc pas été extradé vers les Etats-Unis et a pu regagner son pays sans encombre au début du mois de mai.

Cette décision judiciaire, fondée d’un point de vue juridique, a de toute évidence facilité la tâche des négociateurs français, qu’ils soient diplomates, officiers de renseignement ou membres de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).

La seconde affaire concerne Ali Vakili Rad, condamné à perpétuité pour avoir assassiné, en 1991, l’ancien Premier ministre iranien en exil, Chapour Bakhtiar. La fin de la période de sûreté, fixée à dix-huit ans, approchant, son avocat Maître Sorin Margulis a engagé une demande de libération conditionnelle l’an dernier.

Selon lui, le tribunal d’application des peines a fait droit à sa demande, dès le mois de février 2009, soit plusieurs mois avant l’arrestation de l’étudiante française. « Les bases de la liberté conditionnelles étaient posées, explique l’avocat. Le parquet ne s’y était d’ailleurs pas opposé, compte tenu du comportement exemplaire et de la volonté de s’amender de mon client. » « Je n’ai participé à aucune tractation politique ni diplomatique, assure Me Margulis. Ce n’est pas mon métier. »

Il reste que cette mesure de clémence était soumise à la délivrance d’un arrêté d’expulsion par le ministère de l’Intérieur. Dès lors, le dossier échappait à la justice et au droit pour entrer dans le domaine, plus tortueux, de la diplomatie et des négociations parallèles.

Les autorités françaises disposaient d’une carte de choix pour faire plier Téhéran: pour permettre à Vakili Rad de quitter le territoire, il fallait attendre la libération de Clotilde Reiss. Le tribunal d’application des peines, qui statuait ce matin, en a pris acte. Vakili Rad est sorti de prison ce matin.

Eric Pelletier

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