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Accord pour l’Ukraine : rapide mais superficiel

Stagiaire Le Vif

Les sanctions économiques ont-elles fait peur à Poutine ? Que contient réellement l’accord ? Les Russes ont-ils fait des concessions ? Deux spécialistes répondent à ces questions.

Alors qu’un accord vient d’être trouvé pour l’Ukraine, les Occidentaux menacent déjà la Russie de nouvelles sanctions s’il n’est pas appliqué. Que contient cet accord trouvé rapidement ? En quoi les acteurs se sont-ils impliqués ? Nous avons posé ces questions aux spécialistes des relations avec la Russie Xavier Follebouckt, de l’UCL, et Aude Merlin, de l’ULB.

Un accord rapide, mais sans substance

« Vu la complexité de la crise ukrainienne, on peut dire que l’accord a été trouvé assez rapidement. Mais si ça a été aussi vite, c’est aussi parce qu’il ne dit pas grand-chose », explique Xavier Follebouckt.

Dans les grandes lignes, le document prévoit le désarmement des groupes armés, il vise à éviter une escalade de la violence et il indique qu’une réforme institutionnelle est nécessaire. « C’est ce que tous les acteurs voulaient, même Vladimir Poutine. Il s’agit d’un accord préliminaire pour montrer l’importance du dialogue. Il faudra d’autres négociations pour aller plus loin », précise Xavier Follebouckt.

« N’oublions pas qu’il ne s’agit que d’un accord. Il faudra voir s’il est appliqué, comment il est appliqué, et quels en sont les résultats. Cela peut aussi être un moyen pour les autorités russes de gagner du temps », poursuit Aude Merlin, spécialiste de la Russie à l’ULB.

Les prétentions de la Russie

D’après Aude Merlin, la politique russe ne doit pas être vue comme préméditée. « Il y a une dimension « réactive » dans la politique russe qu’il ne faut pas sous-estimer », précise-t-elle. « Face à l’impact politique des contestations pro-européennes en Ukraine, la Russie a sûrement senti sa zone d’influence menacée », ajoute-t-elle. Vladimir Poutine a saisi l’opportunité d’annexer la Crimée, et maintenant qu’il perçoit les limites de son champ d’action, il ralentit le mouvement.

Pour Xavier Follebouckt, l’accord ne signifie pas que Vladimir Poutine lève le pied. « La Russie veut une Ukraine fédérale où les régions ont énormément de pouvoir économique et diplomatique. Comme ça, il pourra nouer des relations fortes avec les régions de l’est sans avoir à utiliser la force », explique le spécialiste. À ce sujet, l’accord prévoit une réforme institutionnelle, mais ne précise pas le type de réforme. Un état ukrainien fédéralisé reste donc envisageable pour les Russes.

La Russie a-t-elle fait des concessions ?

Les experts s’accordent à dire que la Russie veut se présenter comme un acteur responsable. « Les autorités russes savent bien qu’elles ne peuvent pas uniquement utiliser l’intimidation sur la scène internationale. Les diplomates ont donc eu un rôle important », indique Aude Merlin.

Cela ne veut pourtant pas dire que la Russie a fait des concessions. « L’accord a sûrement pris en compte les intérêts russes », affirme l’experte de l’ULB. « L’accord est d’ailleurs assez flou sur le futur de l’Ukraine. Tous les acteurs y trouvent leur compte, y compris Vladimir Poutine. L’accord n’a pas modifié son discours, il a toujours affirmé vouloir éviter l’escalade », précise Xavier Follebouckt.

Les sanctions économiques ont-elles fait peur à Poutine ?

Selon Aude Merlin, les questions économiques ont dû jouer un rôle dans l’accord trouvé. « Vladimir Poutine a pris conscience que les sanctions occidentales pouvaient avoir des conséquences lourdes sur l’économie russe, qui est pour l’instant assez fragile ». Pour Xavier Follebouckt, c’est sur le long terme que les sanctions économiques peuvent être disuasives. « Leur effet immédiat est surtout symbolique. C’est à long terme qu’elles peuvent avoir des conséquences réelles », explique-t-il.

Le point le plus positif de l’accord est d’essayer d’éviter une guerre civile. D’autres réunions seront nécessaires pour préparer l’avenir de l’Ukraine. En attendant, des séparatistes prorusses occupant des bâtiments officiels à Donetsk ont déjà déclaré qu’ils ne quitteraient pas les lieux tant que les partisans de Kiev ne lèveraient pas leur camp à « Maïdan », la place de l’Indépendance dans le centre de la capitale.

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