Un voilier non loin des Philippines © iStock

Abou Sayyaf, des islamistes spécialistes de l’enlèvement

Le Vif

Le groupe islamiste philippin Abou Sayyaf vient de décapiter un septuagénaire allemand enlevé sur son voilier dans le sud de l’archipel lorsque la rançon exigée n’a pas été versée.

L’assassinat de Jurgen Kantner, confirmé lundi par les autorités, est le dernier en date imputé au groupe spécialisé dans les enlèvements crapuleux, qui aurait engrangé des millions de dollars depuis qu’il s’est lancé dans ce business lucratif dans les années 1990.

Voici quelques éléments de réponse sur ces enlèvements.

Qui sont les auteurs?

Abou Sayyaf est une ramification extrémiste de l’insurrection séparatiste musulmane qui a fait plus de 120.000 morts depuis les années 1970 dans le sud de cet archipel à très grande majorité catholique.

Il a été créé dans les années 1990 grâce aux financements d’un membre de la famille du leader d’Al-Qaïda Oussama ben Laden. Depuis, ses dirigeants ont prêté allégeance à l’organisation Etat islamique (EI) rivale.

Ses bastions sont les îles à majorité musulmanes de Jolo et Basilan, dans l’extrême-sud, à un millier de kilomètres de Manille.

Selon les dernières estimations de l’armée, le groupe ne compte que 400 combattants armés. Mais quand il subit des pertes dans ses affrontements avec l’armée, Abou Sayyaf n’a aucun mal à recruter parmi une population plutôt sympathisante.

Qui sont les victimes?

Depuis les années 1990, les islamistes ont enlevé des centaines de personnes, selon des analystes spécialisés.

Ils se déplacent au moyen de vedettes rapides et mènent des raids dans des complexes hôteliers, les localités côtières ainsi que les zones portuaires du sud et de l’ouest des Philippines. Parfois, ils parcourent des centaines de kilomètres, jusqu’à l’Etat de Sabah, en Malaisie.

Parmi leurs victimes de choix ont figuré des touristes étrangers qui séjournaient dans des hôtels au bord de l’eau.

Récemment, Abou Sayaaf a étendu son rayon d’action dans les eaux au sud des Philippines, enlevant des matelots indonésiens, vietnamiens, coréens et malaisiens à bord de leurs bateaux de pêche ou leurs cargos.

Les enlèvements les plus lucratifs concernent les étrangers mais cela n’empêche pas Abou Sayyaf de s’emparer de Philippins: entrepreneurs et enseignants sont souvent kidnappés pour des sommes moins importantes.

Abou Sayyaf détient actuellement six Vietnamiens, cinq Malaisiens, sept Indonésiens, un Néerlandais et sept Philippins, d’après l’armée.

Quelles sont les sommes en jeu?

Un seul enlèvement peut rapporter littéralement des millions de dollars.

Le groupe a affirmé avoir reçu la totalité des plus de cinq millions de dollars exigés pour la libération d’un couple allemand enlevé en 2014 sur son yacht. Ils ont posté une vidéo sur YouTube pour montrer les liasses de billets.

Le ministre philippin de la Défense Delfin Lorenzana a expliqué ce mois-ci que les employeurs de deux matelots indonésiens s’étaient séparés de 20.000 millions de pesos (375.000 euros) pour obtenir leur libération.

Que font les autorités?

Washington classe Abou Sayyaf comme une « organisation terroriste étrangère ». Entre 2002 et 2014, des conseillers militaires américains spéciaux ont été déployés pour former l’armée philippine, ce qui a conduit à la mort et à l’arrestation de nombreux cadres du groupe.

Les Etats-Unis ont réduit leur aide lorsque le Pentagone a jugé que le groupe, qui comptait initialement un millier de combattants, n’avait plus les capacités de lancer des attaques internationales.

Peu après sa prise de fonctions fin juin, le président Rodrigo Duterte avait lancé une offensive militaire censée « détruire » Abou Sayyaf. Sans succès pour l’instant, à l’instar de ses prédécesseurs qui avaient lancé des offensives meurtrières pour l’armée philippine.

Pourquoi sont-ils si résistants?

Les islamistes sont capables de résister aux offensives de l’armée grâce à leur maîtrise du terrain difficile – jungle et montagnes – des îles de Jolo et Basilan, et au soutien de la population locale.

Les rançons énormes leur permettent d’acquérir des armes et d’acheter les habitants.

Facteur sans doute déterminant, certains membres des autorités locales et des forces de sécurité censés les combattre sont de mèche avec les islamistes.

« Des éléments ripoux de la police, de l’armée, des responsables de villages ou à de plus hauts niveaux sont impliqués », dit à l’AFP Rommel Banlaoi, président de l’Institut philippin sur la paix, la violence et la recherche sur le terrorisme. « C’est vraiment du crime organisé ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire