Gérald Papy

« À quand un Black Panther 100% africain? »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Cinquante ans après l’assassinat du pasteur Martin Luther King, triomphe au box-office le premier blockbuster de l’univers des studios Marvel mettant en scène un super-héros noir. Le succès de Black Panther, dont le casting est presque entièrement composé d’acteurs afro-américains, ne signifie pas pour autant que le rêve du défenseur des droits civiques aux Etats-Unis est aujourd’hui devenu réalité.

Il est le signe d’une incontestable évolution – consacrée par l’élection du premier président noir et l’émergence d’une classe moyenne – mais pas d’un accomplissement. Les violences policières à l’égard des jeunes Noirs et les inégalités persistantes entre communautés de couleur et blanche le rappellent quotidiennement. Les présidences de Barack Obama ont peu contribué à les réduire.

Le film de Ryan Coogler, par la rareté de l’héroïsation d’un des leurs, marque pourtant un tournant pour les Noirs américains et, plus encore, pour les Africains parce qu’il consacre, s’il évite le piège communautariste, une juste reconnaissance et une légitime fierté. L’historien congolais Elikia M’Bokolo en décrypte les ressorts dans l’hebdomadaire Jeune Afrique : ce film  » véhicule l’image d’une Afrique idéalisée qui ne s’appuie pas uniquement sur la tradition, mais sur des dynamiques qui lui sont propres, sans imiter ni rejeter totalement les autres. Elle suit son destin, mais reste authentique en dépit de ses richesses. Au moment où le président américain n’hésite pas à fustiger certains  » pays de merde « , montrer une Afrique capable de s’affranchir de la tutelle occidentale est un message d’espoir, un appel à la créativité.  »

Un mouvement d’émancipation de la mainmise occidentale s’est affermi ces dernières années en Afrique avec ses succès économiques antidotes au pessimisme

Beaucoup de spectateurs africains, parmi la faible proportion de citoyens qui pourra le découvrir, peineront néanmoins à voir dans Black Panther et dans la réussite de l’Etat imaginaire du Wakanda autre chose qu’une pure fiction, confrontés qu’ils sont, dans la vraie vie, à la prévarication des élites, à la corruption de leurs obligés et au pillage des ressources par leurs complices étrangers. Un mouvement d’émancipation de la mainmise occidentale et de promotion d’un développement autonome s’est néanmoins affermi ces dernières années sur le continent avec ses succès économiques antidotes au pessimisme. Certains dans un cadre démocratique (Maurice), d’autre en dehors (Rwanda).

Pour autant, l’Afrique n’a pas encore retrouvé de héros à la hauteur d’un Thomas Sankara, le jeune président assassiné du Burkina Faso, ou d’un Nelson Mandela, le père de la nation sud-africaine, locomotive économique de l’Afrique australe. Mais la prise de conscience des enjeux pour l’avenir du continent occupe tous les esprits. Président du Ghana élu en janvier 2017, Nana Akufo-Addo en a administré la preuve en recevant son homologue français Emmanuel Macron en décembre dernier à Accra. Dans un discours empli de sincérité et de colère rentrée, il a exhorté ses pairs à abandonner  » cette mentalité de dépendance  » pour faire émerger  » une nouvelle race de jeunes Africains « .  » Ce continent a la plus jeune population au monde. […] Toute cette énergie, nous la voulons ici dans nos pays pour oeuvrer au développement.  » C’est à cette condition que demain, prospéreront d’autres Wakanda et que le prochain blockbuster avec héros noir sera produit et réalisé en Afrique.

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