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A Paris, UberPOP déclenche la colère des taxis, donnant à la rue des allures d’émeutes

Les taxis français, en guerre contre la « concurrence sauvage » du groupe américain Uber, ont manifesté par milliers leur colère dans un climat explosif jeudi, provoquant des violences et de colossales perturbations du trafic à Paris et dans plusieurs grandes villes.

Insatisfaite de la réponse du gouvernement, la profession menace de poursuivre ses actions coup de poing dans les jours à venir. Plus d’une quinzaine de personnes ont été interpellées en région parisienne et à Lyon, dont huit au moins, arrêtées dans la capitale et ses aéroports, ont été placées en garde à vue, selon les autorités.

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a appelé « tous ceux qui sont dans l’action à n’engager aucune violence ». Face au ras-le-bol, il a saisi la justice contre le service UberPOP, au coeur du conflit. A sa demande, le préfet de police de Paris en a interdit l’activité dans la capitale. Insatisfaite, l’intersyndicale des taxis a décidé « à l’unanimité » de « poursuivre le mouvement » et boycotté une rencontre avec les services du Premier ministre Manuel Valls, en l’absence de ce dernier en déplacement à l’étranger.

Voitures incendiées, barrages filtrants, blocages des gares et des aéroports, chasse aux VTC (véhicules de transport avec chauffeur) et aux taxis clandestins: dès l’aube, les protestataires, chiffrés par la police à près de 3.000 dans tout le pays, ont multiplié les coups. « On est obligé de passer par cette étape de la radicalité », a justifié Abdel Ghalfi, responsable du syndicat CFDT de la profession.

A la Porte Maillot, l’un des principaux points d’entrée dans Paris, des taxis ont incendié les vans de deux conducteurs de VTC, provoquant l’intervention de forces anti-émeutes et des pompiers, dans une odeur âcre de fumée, avec claquement de pétards et fracas de poubelles renversées. L’ambiance était également explosive aux aéroports d’Orly et Roissy, où des VTC ont renversé des personnes, les blessant légèrement.

A Roissy, le blocage des accès à trois terminaux a été progressivement levé dans l’après-midi. Paris intra-muros était livrée aux bouchons. Les accès de deux gares de la capitale étaient bloqués par des dizaines de voitures. Des actions similaires ont été menées à Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux notamment.

« François Hollande, où est la putain de police? ?? C’est légal ici d’attaquer les touristes? Ramène tes fesses à l’aéroport », a rageusement twitté la rockeuse américaine Courtney Love. « C’est çà la France? Je suis plus en sécurité à Bagdad », a pesté la veuve du leader de Nirvana Kurt Cobain, bloquée en voiture près d’un aéroport parisien.

De la gauche à l’extrême droite, le mouvement a recueilli un large écho dans la classe politique. « On ne peut pas laisser les chauffeurs de taxi victimes de la loi de la jungle », a déclaré le président socialiste de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Les Républicains, le parti d’opposition de droite de l’ancien président Nicolas Sarkozy, a dénoncé lui aussi la « concurrence déloyale » d’UberPOP, l’application mobile de la société californienne qui, à prix cassés, met en relation des particuliers et des conducteurs non professionnels assurant leur transport avec leurs véhicules personnels.

Engagé depuis plusieurs mois dans un bras de fer avec l’Etat, Uber revendique 400.000 utilisateurs d’UberPOP en France, où le nombre des taxis est faible. Mais ses chauffeurs sont des particuliers sans agrément qui échappent aux impôts. La société californienne est visée depuis fin 2014 par une enquête judiciaire à Paris.

Selon une loi française votée l’an dernier, les conducteurs qui ne sont pas enregistrés comme chauffeur de taxi ou VTC encourent jusqu’à un an de prison, 15.000 euros d’amende, la suspension du permis et la confiscation du véhicule.

La France n’est pas le seul pays d’Europe, où l’activité d’Uber fait polémique. L’entreprise est interdite d’exercer en Allemagne et fait aussi l’objet de procédures judiciaires aux Pays-Bas et en Espagne. La Commission européenne a indiqué mardi plancher sur « une régulation appropriée » que Bruxelles espère mettre au point « cette année ».

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