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A Calais, les migrants pointent les passeurs et la précarité du doigt

Le Vif

Encore sous le choc des violents affrontements de la veille à Calais, qui ont fait plus de vingt blessés, migrants africains et afghans pointaient tous vendredi matin la responsabilité de passeurs armés, mais aussi leurs pénibles conditions de vie dans cette ville portuaire du nord de la France.

« Je suis pas comme les passeurs : ils sont tous fous et dangereux comme les taliban de mon pays! », s’exclame un Afghan hazara de 18 ans, qui dit s’appeler Daniel, chaussures de randonnée aux pieds.

Il est 08H30 GMT et la distribution du petit-déjeuner par l’association d’aide aux migrants Salam a déjà débuté, sous une bannière « Ouvrez la frontière » déployée sur un poteau électrique.

Les quelques dizaines d’hommes emmitouflés qui font la queue font partie des centaines de migrants qui èrent dans la région, avec l’espoir souvent déçu de passer clandestinement vers la Grande-Bretagne.

Habib, Ethiopien de 32 ans, capuchon bleu sur la tête, récapitule les événements de la veille : « Il y a eu une bagarre entre Erythréens et Afghans. Les Afghans ont tiré plusieurs fois, les Erythréens sont revenus se venger avec des bâtons et des pierres ».

Récurrentes dans cette zone où des migrants de multiples origines se voient contraints de cohabiter, ces rixes ont été particulièrement sanglantes jeudi : 22 blessés, dont quatre grièvement par balles. « Un degré de violence jamais connu », a estimé le ministre français de l’Intérieur Gérard Collomb, venu sur place jeudi soir.

Près de la « Big Jungle », le plus gros des trois campements où se mêlent Africains et Afghans, Daniel raconte : « Les ambulances ont débarqué, la police était désespérée, ne savait pas quoi faire, les gens se battaient… ».

La raison de cette débauche de violence ? « Il y avait des migrants qui n’avaient plus d’argent, les passeurs se sont mis en colère et ont tiré », croit-il savoir.

Entente

Les migrants qui viennent se servir en thé et nourriture, dans le calme, éprouvent visiblement le besoin de parler. Mohamed, Ethiopien d’une vingtaine d’années, explique : les passeurs afghans « contrôlent des parkings, font du trafic d’armes et font monter des gens dans des camions pour 2.500 euros ».

Pour Loan Torondel, de l’Auberge des migrants, les passeurs sont effectivement à l’origine des rixes : « Ils se battent pour des clients, pour l’accès aux parkings, dans un contexte où beaucoup de gens sont arrivés à Calais depuis 15 jours ».

Mais il épingle aussi les conditions de vie précaires des migrants comme une source supplémentaire de tension. « Les conditions de vie sont terribles, il n’y a aucun moyen de s’abriter des intempéries », dit Loan Torondel.

Dans la matinée de jeudi, une grosse opération policière, forte d’une vingtaine de véhicules, a abouti au ramassage des tentes et couvertures des campements de fortune dressés ça et là.

« La seule solution que trouvent le gouvernement et la police, c’est de casser les tentes et d’empêcher les gens de dormir », dénonce Jean-Claude Lenoir, président de Salam. « Dans cette précarité, évidemment les passeurs n’amènent rien de bon… »

« On dort parfois dans des tentes », témoigne Ahmad, migrant africain de 17 ans qui ne précise pas sa nationalité. « Mais la police fait tout pour nous frapper, nous mettre du spray dans les yeux et prendre nos affaires, tous les trois jours », déplore-t-il. Des accusations que réfutent à chaque fois les autorités.

Entre 550, selon la préfecture, et 800 migrants, d’après les associations, vivent actuellement à Calais pour tenter de passer en Grande-Bretagne.

Habib tient à l’entente construite avec certains Afghans : « Ce sont des amis, des frères… On ne pourra pas contrôler les passeurs, mais notre objectif ce n’est pas de créer la guerre. Nous sommes en pleine misère. Il ne faut plus que ce genre d’histoires recommence ».

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