Léon Blum, en 1947. © Belga

3 mai 1936 : splendeurs et misères du Front populaire

Le Vif

Dans l’histoire de France, c’est un mythe. Un mélange de poings levés et de sourires aux lèvres. Un parfum d’inédit et de révolutionnaire. Des réformes audacieuses et… des désillusions. L’expérience du Front populaire n’a duré que quelques mois ; elle demeure pourtant fortement ancrée – et déformée – dans les imaginaires.

Tout commence par une crise. En France comme ailleurs, celle des années 1930 est sévère. Le krach de 1929 a gagné toutes les places boursières avant de toucher les gens. Et surtout les plus faibles. Dans l’Hexagone, les « marches de chômeurs » succèdent aux « marches de la faim ». Sur le plan politique, les gouvernements défilent sans parvenir à surmonter les défis du moment. Dans le même temps, on assiste au réveil des « ligues ». Mêlant patriotisme et antiparlementarisme, ces mouvements de droite (forte) trouvent leur public parmi les classes moyennes fragilisées. Non sans parfois traîner derrière elles un fumet de fascisme…

Le climat international n’est pas meilleur. En Italie, Benito Mussolini a pris le pouvoir ; en Allemagne, Adolf Hitler est devenu le maître. La Pologne, quant à elle, est tombée sous la coupe d’un « régime des colonels ». Les conflits sont inévitables. En 1935, l’Italie envoie des troupes en Ethiopie. La « communauté internationale » apparaît divisée. Le danger se rapproche…

C’est dans ce contexte qu’émerge, en France, un puissant sentiment antifasciste. Il naît au sein de la gauche. Chez les intellectuels d’abord, parmi la base ensuite. Bientôt, les communistes et certains radicaux se joignent au mouvement. Entre 1934 et 1936, celui-ci se structure et se dote d’un programme commun. Pain, paix et liberté deviennent les nouveaux mots d’ordre d’une gauche unifiée.

La campagne pour les élections législatives de 1936 est bouillante. Les ligues d’un côté ; les gauches de l’autre. Partout, les candidats agitent le spectre de la peur. Peur du communisme à droite ; peur du fascisme à gauche. Les affrontements sont rudes et parfois physiques. Les résultats du premier tour s’avèrent serrés : la France est divisée en deux camps. Le 3 mai, au second tour, le Front populaire obtient toutefois une victoire relativement nette. Dans la foulée, le charismatique Léon Blum devient président du Conseil.

L’homme innove. En créant un sous-secrétariat d’Etat aux Sports et aux Loisirs, en confiant des postes exécutifs à des femmes, en se dotant de pouvoirs forts… Alors qu’une importante grève touche le pays, Blum rassemble les partenaires sociaux et noue des premiers accords. Liberté d’adhérer à un syndicat, augmentation des salaires, congés payés, semaine des 40 heures… Pour la gauche, l’été 1936 est magique. Pour la droite, il est dramatique. Mais déjà, la riposte s’organise : les patrons se rassemblent, de nouveaux partis voient le jour. Blum est sous pression. Le chômage ne diminue pas, la guerre d’Espagne divise sa majorité… En juin 1937, il démissionne. Dans la foulée, le « Front » se désintègre. Plus jamais, il ne surgira, sinon dans les discours et les mémoires.

Vincent Delcorps

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire