Au sommet de Malte, qui réunissait les présidents américain et russe, "seule la mer n'était pas d'accord". © DIRCK HALSTEAD/GETTY IMAGES

3 décembre 1989, le jour où Bush et Gorbatchev enterrent la guerre froide en mer

Sur le pont, tous les officiels portent le parapluie. Routes inondées, vents balayant tout sur leur passage, bateaux immobilisés, rendez-vous annulés… Malte n’avait pas connu pareille tempête depuis plus de cinq ans.

Déjà, les commentateurs ont rebaptisé la rencontre. Ce sommet de Malte sera le  » Seasick Summit  » (ou sommet du mal de mer). Mais derrière la tempête, le calme se prépare. Un vent nouveau s’est emparé du monde. Au terme de quarante-deux années, la guerre froide est terminée. Main dans la main, sous les flashs de photographes venus du monde entier, George Bush et Mikhail Gorbatchev sont venus l’annoncer.

En novembre 1989, la chute du mur de Berlin a changé la physionomie du monde. Et redistribué les cartes du pouvoir. C’est une évidence : les ennemis d’hier doivent à présent collaborer. Comment ? D’abord en manifestant une même volonté d’avancer. Ce qui nécessite une certaine mise en scène, et quelques symboles.

C’est Bush qui a lancé l’idée d’un sommet maritime. Le président américain se souvient, un peu nostalgique, des rencontres que Franklin Roosevelt, son lointain prédécesseur, organisait sur les mers. En pleine Seconde Guerre mondiale, c’est sur des navires de guerre que Roosevelt recevait ses homologues étrangers. Pour son rendez-vous avec l’histoire, Bush choisit un croiseur Belknap. Et propose d’organiser la rencontre sur les rives de Malte. A l’intersection entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, l’île offre un parfait symbole.

La tempête bouleverse quelque peu les agendas. Plusieurs réunions de travail ne peuvent avoir lieu. Différents points presse sont annulés. Pire : Gorbatchev choisit de ne pas se rendre sur le croiseur soviétique où il devait normalement saluer ses marins. N’appréciant guère le mauvais temps, le dirigeant préfère demeurer sur le Maxim Gorki, son imposant navire de croisière. Qui fait aussi office d’immense salle de réunion.

Le tête-à-tête, lui, ne tombe pas à l’eau. Grande première : au terme de l’entretien, les deux hommes se présentent conjointement devant la presse. Les déclarations sont fermes.  » Nous avons une bonne relation personnelle, affirme Bush. Ce que nous avons fait ici, c’est parler ensemble de nos différences, sans rancoeur et de la manière la plus franche possible « . Gorbatchev ose être plus solennel :  » Nous considérons que le monde quitte une époque de guerre froide pour entrer dans une époque nouvelle. Même si ce n’est que le tout début…  »

Tout est-il réglé ? Certes, non. Au lendemain du sommet, le rôle ambigu joué par l’URSS au Nicaragua, la question de l’armement naval ou l’état piteux de l’économie soviétique constituent quelques-uns des points toujours sensibles. Mais il est certain qu’un nouvel esprit s’annonce. Les éditorialistes ne s’y sont pas trompés.  » De la détente à l’entente « , titre l’un.  » Bush et Gorbatchev ouvrent une nouvelle ère de paix « , écrit l’autre. Plus lyrique, un troisième conclut :  » Au sommet de Malte, seule la mer n’était pas d’accord.  »

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