Manifestation contre le scanndale de corruption impliquant le conglomérat Odebrecht SA, République dominicaine, juillet 2017 © Reuters

2018, année d’élections en Amérique latine sur fond de corruption

Le Vif

Des scandales de corruption sans fin, des gouvernements impopulaires et une reprise économique qui tarde: le tableau est sombre en Amérique latine, à la veille d’une année 2018 riche en élections qui s’annoncent décisives.

Voici trois choses à savoir avant le coup d’envoi d’un cycle électoral qui, du Brésil au Mexique en passant par la Colombie et le Venezuela, pourrait redessiner le visage de la région, alors que plus de la moitié des Latinoaméricains s’apprêtent à voter.

La corruption, terreau de la colère

Le scandale Odebrecht, du nom du géant du brésilien du bâtiment qui a versé des pots-de-vin pour obtenir des chantiers, éclabousse l’Amérique latine jusqu’aux sommets du pouvoir, comme au Pérou ou en Equateur.

Ce cas emblématique est l’arbre qui cache la forêt, estime Gaspard Estrada, directeur de l’Opalc, l’observatoire sur l’Amérique latine de Sciences Po Paris: « Les phénomènes de corruption sont ancrés dans la région et persistent ». « Cela aura un impact sur le prochain cycle politique », prévient Fiona Mackie, directrice pour l’Amérique latine de The Economist Intelligence Unit, selon qui l’affaire Odebrecht « est vraiment en train de secouer la scène politique ».

Face à ces cas de malversation et d’enrichissement personnel, qui sont légion dans la région, « il y a une impatience des électeurs, car ils en ont vraiment marre », juge Mme Mackie. « Les scrutins au Brésil, en Colombie et au Mexique seront dominés par la colère des électeurs contre la classe politique traditionnelle et une exigence de changement, ce qui les rend difficiles à prévoir », abonde le cabinet Eurasia group dans un récent rapport. « Le candidat qui saura le mieux capter ce sentiment sera le mieux placé, et le risque d’avoir des mauvaises surprises est élevé », comme l’a rappelé le Chili, avec la percée des candidats des extrêmes, Beatriz Sanchez à gauche et José Antonio Kast à droite, ajoute Eurasia pour qui il ne faut pas « sous-estimer la frustration des électeurs ».

Cherchez l’outsider

En 2018 en Amérique latine, les candidats hors-système ont le vent en poupe. Car les affaires de corruption « disqualifient la classe politique traditionnelle », explique M. Estrada. Il déplore une « crise de leadership » régionale et craint l’émergence d’outsiders aux « discours rétrogrades visant à remettre en cause la démocratie », en référence au sulfureux Jair Bolsonaro, ancien militaire de l’extrême droite brésilienne.

Certains politiciens traditionnels « veulent être vus en tant qu’outsiders, car cela rapporte en terme de popularité, mais en réalité ils sont du sérail » et ont « un appareil politique derrière eux », notamment grâce au jeu des alliances, note Mme Mackie.

Elle cite les exemples d’un des principaux candidats à la présidentielle en Colombie, Sergio Fajardo, qui a lancé un nouveau mouvement politique, ou Margarita Zavala au Mexique, laquelle a quitté le parti conservateur PAN pour se présenter en indépendante.

Le Mexique « se dirige vers son scrutin le plus incertain et important depuis des dizaines d’années le 1er juillet », anticipe Eurasia. « Le candidat le mieux placé pour tirer profit de cet environnement est le candidat de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, qui est, actuellement, celui qu’il faut battre ». L’ancien maire de Mexico, en lice pour la troisième fois à la présidentielle après une longue carrière politique, a quitté le parti traditionnel de gauche (PRD) pour fonder Morena, acronyme de Mouvement de régénération nationale.

Virage à droite et croissance

La victoire mi-décembre du conservateur Sebastian Piñera au Chili a confirmé le virage à droite de l’Amérique latine, après l’arrivée de Mauricio Macri en Argentine, de Michel Temer au Brésil et Pedro Pablo Kuczynski au Pérou.

Pour M. Estrada, « ce n’est pas tellement une question de gauche ou de droite. Il y a eu un essoufflement des gouvernements en poste, qui étaient de gauche, ce qui a rejailli sur les partis de droite. Ce qu’il y a eu, ce sont des phénomènes d’alternance ».

Au-delà de l’étiquette politique, l’année prochaine dans la région « l’élément central sera l’économie, car l’économie va mal », fait-il valoir. « En dehors de quelques exceptions notables, le panorama politique et économique en Amérique latine devrait continuer à s’améliorer en 2018. Mais les dynamiques seront essentielles pour déterminer de quelle façon la région évolue, avec de sérieux risques de ralentissement économique à la clé, voire de sortie de route dans certains », analyse Eurasia.

Ainsi, selon le cabinet, le président vénézuélien Nicolas Maduro « devrait se maintenir au pouvoir au cours d’un processus électoral contrôlé de près, mais le gouvernement risque de tomber en défaut (de paiement), ce qui pourrait assombrir ses perspectives économiques ».

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