OK au rachat de TF1 ! Le businessman Francis Bouygues (à dr.) et Hervé Bourges, patron de la chaîne de télévision française. © BELGAIMAGE

16 avril 1987, le jour où Bouygues a racheté TF1

Le plus gros chèque jamais signé par un Auvergnat.  » C’est avec le sourire que Francis Bouygues commente le deal. Il vient de réaliser une opération énorme et il le sait. Les jeux n’étaient pas gagnés d’avance, il en est fier. Pour 3 milliards de francs, Bouygues achète TF1.

Au terme d’une bataille qui se sera révélée rude. Et pleine d’hypocrisie. Le contexte, tout d’abord. Après les nationalisations, l’heure est aux privatisations. En 1986, Jacques Chirac devient Premier ministre. A ses côtés, un homme clé : Edouard Balladur. Le ministre de l’Economie est chargé de désengager l’Etat d’un certain nombre de participations. En quelques années, le gouvernement retire les billes publiques de Saint-Gobain, BNP, Suez… Mais l’audiovisuel est également concerné. Dans son programme électoral, la droite ne promettait-elle pas de privatiser deux chaînes publiques ? Finalement, seule une chaîne changera de main. Antenne 2 ? FR3 ? Le gouvernement surprend en optant plutôt pour Télévision française 1.

TF1, c’est la nouvelle star. Longtemps larguée dans la course aux audiences, la chaîne retrouve du poil de la bête vers 1983 et l’arrivée à sa tête d’Hervé Bourges. Au point même de devenir la préférée des téléspectateurs. En 1987, TF1 est un beau bijou que le gouvernement entend chèrement monnayer. Qui l’emportera ? C’est la (prétendue indépendante) commission nationale de la communication et des libertés qui en décidera. Sur la base d’un critère, devenu un slogan :  » le mieux-disant culturel « . En clair : le groupe qui présentera l’offre culturelle la plus riche sera nommé vainqueur. A tout le moins, c’est ce que les officiels proclament dans le Tout-Paris…

Deux candidats se distinguent bientôt. D’un côté, Hachette. Le groupe dirigé par Jean-Luc Lagardère est actif dans l’édition et les médias. Il a les faveurs des pronostics. De l’autre, Bouygues. La machine de Francis Bouygues est une vedette du bâtiment. Ce qui ne le prédispose pas naturellement au monde de la télévision… Pendant que la lutte fait rage, la grogne monte au sein de la maison TF1. C’est que les vagues promesses des candidats n’ont rien de rassurant.  » A-t-on à choisir entre la peste et le choléra ?  » lâche l’un.  » Bouygues nous posera sans doute moins de problèmes dans un premier temps, soutient un autre. Mais il ne se gênera pas pour nous licencier plus tard.  » Quant au cahier des charges ?  » Il est là pour faire joli !  »

Bouygues organise un lobbying de feu. Mieux : pour préparer la défense orale de leur projet, les dirigeants du groupe s’entraînent avec Bernard Tapie, véritable star de l’art oratoire. Le 4 avril, la victoire de Bouygues est annoncée. Le 16 avril, le chèque est remis. Quant au  » mieux-disant culturel « , il disparaîtra vite des radars. Exit les programmes d’opéra et de culture pointue. Ce qui rendra Pierre Desproges fataliste :  » La télé, d’Etat ou pas, c’est la loi scélérate des hit-parades et des top 50. C’est-à-dire la loi des requins froids et des débiles anglomaniaques et fossoyeurs de la chanson qui pense.  »

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