Marie Lopez, alias EnjoyPhoenix. © Youtube

Youtubeuses, nouvelles stars des ados

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Avec ses vidéos de conseils beauté diffusées sur YouTube, Marie Lopez, alias EnjoyPhoenix, est devenue une star chez les adolescentes. Pourquoi un tel engouement ? Décryptage.

Si vous n’avez jamais entendu parler d’EnjoyPhoenix, c’est que vous n’avez pas d’adolescente à la maison. Vingt ans, un pseudonyme qui sonne show-biz, près de 1,9 million de fans et, pour talent, l’art de se maquiller et de se coiffer devant une caméra puis de mettre ces tutoriels sur sa chaîne YouTube, lancée il y a quatre ans depuis sa chambre. Exemples : comment étirer ses mèches ? Courber ses cils ? Faire disparaître des cicatrices d’acné ? Sur sa chaîne, cette jeune fille à la longue chevelure, dont le vrai nom est Marie Lopez, fait aussi des « hauls » (vidéos de présentation de produits) pour montrer les nouvelles pièces de sa garde-robe.

Les statistiques sont saisissantes, jusqu’à ériger ses tutos en phénomène culturel et en point de ralliement d’une génération. Chacune de ses petites séquences est visionnée 500 000 à 2 millions de fois. Son public (dont 90 % d’adolescentes, âgées de 10 à 20 ans) est prêt à faire des heures de file pour décrocher un autographe ou un sourire. Lors du meet-up, sorte de rendez-vous qui rassemble une communauté Web, le 19 septembre dernier à Bruxelles, plus de 3 000 jeunes filles se sont bousculées pour rencontrer leur idole et prendre part à la séance de dédicaces de son premier roman #enjoymarie (Editions Anne Carrière)…

Son livre, justement. Un succès de librairie immédiat, cartonnant en tête des ventes depuis sa sortie. Du superficiel au premier abord : écrit sous forme de journal intime, Marie Lopez évoque sa vie d’adolescente dans une famille recomposée. On y découvre des chapitres consacrés à sa « guerre » contre l’acné, à ses virées shopping, à sa chevelure. Mais on aurait tort de s’arrêter là : #enjoymarie est une véritable plongée dans le cerveau d’un adolescent. L’auteure dénonce deux phénomènes majeurs de l’époque : le harcèlement scolaire – dont elle a souffert – et l’exposition personnelle via YouTube. « La moitié des filles et des garçons qui me suivent sur YouTube sont victimes de harcèlement à l’école. Je suis passée par là, j’apporte du réconfort », affirme- t-elle à chaque étape de sa tournée.

Communauté

« Les ados adorent les histoires de vilain petit canard qui se transforme en cygne. Cela ressemble à un conte de fées », analyse le sociologue Michel Fize, auteur de L’Adolescence pour les nuls (First Editions). Confidences, témoignages, conseils, ses « enjoyers » échangent librement sur les problèmes de leur âge, au point de fédérer une communauté. Marie Lopez est devenue une sorte de grande soeur – rôle qu’elle revendique -, de meilleure amie virtuelle. « Je sais la pression énorme qu’elles se mettent très tôt pour être parfaites, minces, sportives. Je leur explique comment moi je fais », répète-t-elle. « Longtemps, les jeunes ont été mis en scène et commentés par des adultes, pointe le sociologue. Youtubeurs et youtubeuses racontent comment surmonter la dure vie d’adolescent : « Regardez-moi quand je me filme, car je parle aussi de vous. Ces témoignages sont importants car ils permettent de dédramatiser le quotidien. » Plus encore, la youtubeuse est désormais une « coache de vie », un modèle. Elle ne fume pas, ne boit pas, encourage les ados à parler à leurs parents et à gagner leur argent de poche. Du coup, elle plaît aussi aux parents. « Ils sont tentés de voir en elle l’adolescente idéale : sans boutons, sans problèmes, sans couacs », note Alexandra Balikdjian, psychologue en consommation sociale et chercheuse à l’ULB. Bref, un modèle fondé sur une grande accessibilité et sur une forte proximité.

Partage et pouvoir

D’ailleurs, en grande professionnelle, dans un discours bien rodé, EnjoyPhoenix a toujours un petit mot pour ses fans. Elle est reconnaissante et le dit sur le site de son éditeur : « Je reçois environ 200 lettres par jour et autant de mails. Mais c’est normal d’accorder autant d’attention à ma communauté. Sans elle, je ne serais pas là et je ne l’oublie pas. » Elle les bichonne, en animant sa communauté (interactions avec ses fans sur Twitter, ton bienveillant, photos et vidéos agréables à regarder) et se livre beaucoup. Aux tutos coiffure, elle ajoute des vidéos « Les parents et nous », « Une journée à Disneyland »… Dans d’autres, elle répond aux questions des fans. On n’est pas loin de la téléréalité…

Mais toujours sur le registre de la confidence. Ainsi, EnjoyPhoenix invite ses abonnés à une visite de sa chambre, avec travelling sur sa couette Ikea. Le label suédois est cité et ce n’est pas par hasard, sa communauté représentant un levier de communication formidable pour une marque. Car autour des youtubeuses tourne désormais toute une économie. Des publicités sont présentées avant chaque vidéo ou durant la séquence, en bandeau, placées par YouTube, qui rémunère selon le nombre de clics. De 0,40 à 3,60 euros les mille vues, mille euros le million, selon les spécialistes. Beaucoup plus en cas de placement de produits, comme proposé par les griffes lifestyle aux youtubeuses les plus suivies. Cacharel, par exemple, s’est associée à EnjoyPhoenix pour créer un tuto parfum à l’occasion du lancement de sa nouvelle fragrance. Elle noue aussi des partenariats avec des marques lors de meet-up. En mai dernier, L’Oréal la conviait tous frais payés à participer à un concours de maquillage dont elle était jurée. Depuis avril 2014, Marie Lopez anime Rose Carpet, chaîne de beauté YouTube lancée par M6, laquelle renvoie à T’as pas du gloss ?, chaîne qu’elle anime pour Gemey Maybelline, et où elle discute nail art, détox et make-up.

D’aucuns y voient un marketing très classique. A un détail près. Chaque publication peut virer à une publicité déguisée, tant elle est susceptible de propulser les ventes des produits exhibés. Or, l’ado n’identifie pas toujours qu’il s’agit de pub : il est assis dans son canapé ou sa chambre et regarde une « bonne copine » lui tuyauter un gloss ou un fond de teint. « Les youtubeuses captent une audience plus juvénile. Pour les marques, qui cherchent à fidéliser les clientes le plus tôt possible, c’est tout bénéfice », conclut Alexandra Balikdjian.

LES PLUS REGARDÉES

Deux ans après l’irruption des garçons sur YouTube (de Norman et Cyprien aux conseils pour jeux en ligne…), un vent de folie souffle sur les vidéos des filles.

1. EnjoyPhoenix

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Abonnés YouTube : 1,9 million depuis 2011.

Vidéos vues : près de 200 millions.

Victime de harcèlement de la part de ses camarades, Marie Lopez ouvre une chaîne YouTube, sous le nom d’EnjoyPhoenix, pour parler de mode et de beauté. Dans l’une de ses vidéos, elle confie son histoire et bouleverse sa communauté de fans. Son succès attire les marques : Gemey Maybelline la charge d’une chronique sur sa chaîne YouTube, M6 lui confie une autre chaîne, Rose Carpet… EnjoyPhoenix surfe sur la vague, sort un livre et lance deux nouvelles chaînes YouTube, sur le quotidien (un « vlog ») et sur la cuisine.

2. Andy Raconte

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Abonnés YouTube : 1,8 million depuis 2013.

Vidéos vues : 135 millions.

Nadège Dabrowski, alias Andy Raconte, est l’une des dernières stars YouTube. Mannequin, ex- candidate Miss France et ex-participante de Secret Story, elle connaît sur le Net une nouvelle vie d’humoriste. Elle décline le concept en lançant une deuxième chaîne dédiée à la mode et la beauté, appelée So Andy. La marque Garnier l’a engagée pour être son « égérie digitale ».

3. Natoo

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Abonnés YouTube : 1,7 million depuis 2006.

Vidéos vues : 147 millions.

De son vrai nom Nathalie Odzierejko, Natoo donne aussi dans le sketch, la parodie. Elle cartonne avec un vrai-faux magazine féminin, Icônne (Editions Privé). Repérée par le collectif Studio Bagel (racheté à 60 % par Canal +), elle apparaît dans des émissions de télévision, dont le Dézapping sur Canal +.

4. Caroline et Safia

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Abonnés YouTube : 500 000 depuis 2012.

Vidéos vues : 46 millions.

Encore de la mode, de la beauté pour ce duo, mais aussi une série de vidéos : Caroline Bassac et Safia Vendôme filment leur quotidien et proposent des miniséries quand elles partent en vacances.

5. Solange Te parle

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Abonnés YouTube : plus de 100 000 depuis 2011.

Vidéos vues : plus de 650 000.

Un phénomène ! La comédienne québécoise se filme dans des saynètes humoristiques de deux minutes, intitulées « Solange te parle » qui séduisent les 20-25 ans. Son succès : « Solange te parle de l’obésité ». Depuis, Ina Mihalache (son vrai nom) a décliné l’alphabet, de « Solange te parle accouplement » à « Solange te parle W-C ».

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