© Capture d'écran Youtube

Sénégal: un journal télévisé version rap (vidéo)

Le Vif

Xuman et Keyti, deux rappeurs sénégalais lassés des informations biaisées diffusées par les canaux traditionnels, ont lancé leur propre journal télévisé: le journal rappé.

« Bienvenue, installez-vous, on a des nouvelles pour vous. Y’a des bonnes, y’a des mauvaises, mais des nouvelles pour vous ». C’est sur ces paroles débitées en rappant que les deux chanteurs sénégalais Xuman et Keyti présentent, une fois par semaine, leur JT Rappé.

Le principe est simple. Sur le rythme d’une musique qu’ils ont eux-mêmes composée, les deux artistes déballent leur flow pendant trois à quatre minutes, chacun leur tour, le temps d’une chanson. Avec une particularité. Xuman s’exprime en français avant de laisser en ces termes la parole à son co-présentateur :  » Ne zappez surtout pas, le wolof c’est dans un instant. La vraie info c’est ici, le journal rappé « . Keyti entre alors en scène et récite à son tour son texte, dans la langue sénégalaise cette fois.

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« Quand je rappe, je me sens plus à l’aise en wolof, justifie le rappeur sympathisant du collectif Y’en a marre. Et puis, la majorité des informations commentées concernent le Sénégal, alors c’était important de s’adresser aussi à ceux qui ne comprennent pas le français. »

Toute l’actualité est passée en revue. De façon décalée certes, mais le message essentiel est transmis. La ministre de la Justice Aminata « Mimi » Touré prend position dans l’enquête sur les biens mal acquis par Karim Wade, le fils de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade ? Les rappeurs ont un mot pour elle : « La justice était aveugle, Mimi Touré lui a rendu la vue. Bravo Mimi. Merci Mimi. »

L’ex-première dame Viviane Wade réclame la fermeture de l’hôpital de Ninéfécha, qu’elle avait elle-même financé, pour protester contre le sort réservé à son fils ? Xuman et Keyti ironisent : « Dans ce cas Monsieur Wade peut réclamer ses routes et ses ponts, ses ronds points, ses tunnels, ainsi que Demba et Dupont (statue coloniale retirée de Dakar au moment de l’indépendance du Sénégal et réinstallée au centre de la capitale par Abdoulaye Wade en 2004 NDLR). »

Le JT Rappé a été lancé le 11 avril dernier. En quelques jours, la première version, diffusée sur Youtube, atteignait déjà les 67000 vues. Aujourd’hui, alors que le dixième épisode est en préparation, ces journaux télévisés impertinents recensent plus de 300000 vues et la chaîne Youtube compte 3700 abonnés.

« Forcément, avec un tel succès, on a pris la grosse tête, plaisante aujourd’hui Xuman. Mais, plus sérieusement on est agréablement surpris. » Le constat est le même chez son acolyte qui précise : « On est conscient que le produit peut être amélioré et on se concentre là-dessus. »

Le projet est né sous les dreadlocks de Xuman il y a une dizaine d’années alors qu’il travaillait pour une radio : « C’est devenu une nécessité depuis que l’industrie de la musique traverse une vraie crise. Et puis, l’actualité n’attend pas. Normalement, quand il se passe quelque chose, on écrit une chanson. Mais, le temps que l’on sorte un album, une actualité a déjà chassé l’autre ». Il aura ensuite fallu sept mois pour que le premier numéro voie le jour.

Aujourd’hui, le succès est tel que la chaîne privée 2STV s’est appropriée les droits du JT Rappé. Il est désormais diffusé tous les vendredis, juste après le journal traditionnel. Une petite victoire pour les deux rappeurs qui, dans la présentation de leur projet, fustigent les groupes de presse coupables, selon eux, de « défendre leurs intérêts et de fournir une information biaisée ».

Dès lors, le JT Rappé doit-il être vu comme une action citoyenne ? « Pas nécessairement, répond Keyti. Mais aujourd’hui, dans un pays comme le nôtre, le rap sénégalais s’est rendu compte que l’heure n’est plus seulement aux discours et à la contestation politique mais à l’engagement sur le terrain, avec des solutions concrètes et originales. » Comment ? « En acclamant les bonnes manoeuvres et en tirant la sonnette d’alarme lorsqu’il y a des dérives », répondent d’un flow unique les deux rappeurs.

Antoine Védeilhé (L’Express.fr)

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