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Quand les zombies inspirent l’armée américaine

Le Vif

Un auteur de romans sur les zombies planche avec des soldats de la base des Marines de Quantico, en Virginie : l’armée américaine puise son inspiration partout, y compris dans la science-fiction.

Max Brooks, qui a écrit le « Guide de survie en territoire zombie » et « World War Z », a l’habitude de travailler avec les militaires américains. « Ma première collaboration remonte à 2006 ou 2007 », raconte l’auteur de 43 ans, fils des stars de cinéma Mel Brooks et Anne Bancroft. Il sort tout juste d’un rendez-vous à Washington portant sur un nouveau projet avec les forces spéciales américaines.

Science-fiction et zombies intéressent l’armée car « c’est comme un préservatif intellectuel », poursuit M. Brooks, « ça permet de parler de problèmes très dangereux, très controversés » sans effrayer, ni décourager le lecteur. Ainsi, parler de la peste zombie passe plus facilement auprès d’un auditoire qu’évoquer les mesures de quarantaine liées au bien réel virus Ebola. Pourtant, ajoute l’auteur, « c’est exactement la même chose ».

Il a été invité début février avec deux autres auteurs de science-fiction à participer à un atelier d’écriture chez les Marines. Dix-huit militaires avaient été soigneusement sélectionnés pour leurs aptitudes littéraires et créatives.

Le rôle des spécialistes de l’écriture était d’aider les soldats à métamorphoser en romans séduisants les austères scénarios d’anticipation pour les quinze à trente prochaines années concoctés par le laboratoire de prospective des Marines.

Des scénarios souvent peu réjouissants, marqués par des phénomènes comme le changement climatique, la diminution des ressources en eau, la croissance urbaine, les technologies génétiques ou encore l’érosion de la supériorité technologique américaine.

Les histoires rédigées par ces Marines serviront à créer des scénarios pouvant être utilisés dans des jeux de guerre et pour développer de nouveaux concepts, explique le lieutenant-colonel Patrick Kirchner, du laboratoire de prospective.

« C’est plus facile de lire un roman de 300 pages (…) que de lire un livre blanc ou un document militaire très sec », relève-t-il.

Des ‘fictions utiles’

Il ne s’agit pas « de prédire le futur », mais de « tenter de lancer une conversation », précise August Cole, qui a co-écrit « Ghost fleet » avec Peter Singer. Ils étaient aussi de la partie en février avec Max Brooks.

« Ghost fleet » est un techno-thriller qui plonge le public dans une guerre opposant la Chine et les Etats-Unis, où drones et cyber-combattants prennent toute leur part.

Quoi de mieux pour aborder la problématique des drones qu’un roman qui installe son lecteur « dans le cockpit d’un avion, dont le pilote voit soudain un drone apparaître à côté de lui », raconte M. Cole, ancien journaliste au Wall Street Journal.

Parmi ses nombreuses activités actuelles, il anime « L’art de la guerre du futur », un atelier d’artistes participant aux travaux du cercle de réflexion stratégique Atlantic Council de Washington.

Les romanciers peuvent faire des « fictions utiles » qui permettent de penser de manière « non conventionnelle », souligne M. Cole, régulièrement invité –tout comme son comparse– par l’armée américaine pour parler de « Ghost fleet ».

Max Brooks admire l’ouverture intellectuelle des militaires américains qu’il a rencontrés, bien loin des clichés.

Selon lui, les guerres d’Irak et d’Afghanistan dites de contre-insurrection, mouvantes, sans lignes de front, face à un ennemi caché dans la population, les ont forcés à revoir leurs schémas de pensée.

« C’est la grande ironie d’aujourd’hui. Quand j’étais enfant, dans les années 1980, les civils disaient +nous devons comprendre les autres cultures, nous devons être créatifs+, et les militaires disaient +bombardons, bombardons+. Mais, aujourd’hui, c’est l’inverse », sourit-il.

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