La baie de Naples © EPA

Elena Ferrante: la fin d’un mystère littéraire

Le Vif

Point de Napolitaine mais une Romaine germaniste: en suivant la piste des revenus générés par l’immense succès d’Elena Ferrante, un journaliste italien affirme avoir découvert l’identité de la mystérieuse écrivaine italienne, au grand dam de certains puristes.

Alors que les enquêtes s’étaient jusqu’à présent concentrées sur l’univers et le style littéraire de l’auteur, le journaliste Claudio Gatti du quotidien économique Il Sole 24 Ore, s’est intéressé aux aspects financiers de la question.

Elena Ferrante, qui s’est lancée en littérature dans les années 1990, a acquis une notoriété internationale grâce à sa tétralogie napolitaine « L’Amie prodigieuse », l’histoire de deux jeunes femmes brillantes et rivales, Lila et Lenu, dans la Naples du milieu du XXe siècle.

Traduits dans plusieurs langues, ses romans ont été publiés dans une trentaine de pays.

M. Gatti a donc analysé les flux financiers d’Edizioni E/O, sa petite maison d’édition romaine. Ses revenus ont bondi de 65% en 2014, année où les oeuvres d’Elena Ferrante sont devenus des best-sellers en anglais, puis encore de 150% en 2015.

Or, une collaboratrice de E/O, Anita Raja, épouse de l’écrivain Domenico Starnone et présentée comme « une simple traductrice free lance », a vu ses revenus décoller comme ceux de la maison d’édition. Seule explication plausible: il s’agit des droits d’auteur d’Elena Ferrante.

Point de Napolitaine ou de mère couturière comme l’a affirmé l’écrivaine dans « Frantumaglia », Anita Raja est une Romaine de 63 ans, fille d’un magistrat napolitain et d’une juive polonaise professeure d’allemand… Déjà citée dans la presse ces dernières années comme possible visage d’Elena Ferrante.

L’auteure a toujours fait savoir que son anonymat était nécessaire pour donner plus de poids à ses personnages et à ses intrigues, même si certains ont surtout vu dans cet anonymat jalousement préservé une efficace stratégie commerciale.

‘Traitée comme une criminelle’

« Il est dégoûtant de voir une grande auteure italienne, aimée et célébrée dans notre pays et dans le monde, traitée comme une criminelle. De quel délit s’est-elle salie pour justifier une telle invasion de sa vie ? A quel intérêt public supérieur cette enquête peut-elle répondre ? », a réagi la maison d’édition dans un communiqué.

« Beaucoup d’encre a coulé en hypothèses sur l’identité d’Elena Ferrante, plutôt qu’en approfondissements de son oeuvre, et malheureusement, il en coulera encore beaucoup », a insisté la maison d’édition, sans confirmer ni démentir les conclusions de M. Gatti.

L’écrivain Erri de Luca s’est lui aussi insurgé depuis la publication de l’enquête de M. Gatti dimanche dans les colonnes de Il Sole 24 Ore, du New York Review of Books, du Frankfurter Allgemeine Zeitung et du site français Mediapart, pour dénoncer une atteinte à la vie privée de l’auteure.

« Mais à qui cela importe-t-il de connaître l’identité d’Elena Ferrante ? En tant que lecteur, l’identité d’un auteur ne m’intéresse pas, seulement son oeuvre, la lire », a-t-il expliqué à l’agence Adnkronos.

« Un écrivain ne doit rien d’autre à son lecteur au-delà de son travail », a renchéri l’universitaire britannique Katherine Angel au micro de la BBC.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

C’est au même micro que M. Gatti s’est expliqué: « Je l’ai fait parce que je crois qu’elle est une figure très publique et quand les lecteurs achètent des millions de livres, je pense qu’ils acquièrent un droit de savoir quelque chose sur la personne qui a créé ces livres ».

Il a évoqué « Frantumaglia », qui sort aux Etats-Unis dans quelques semaines, dans lequel Elena Ferrante a distillé quelques éléments présentés comme « ses réponses à la demande légitime d’informations sur elle ».

« Le problème est que +Frantumaglia+ est plein de contre-vérités, elle ne s’est pas décrite, elle a menti sur la vie personnelle qu’elle a choisi de présenter. En tant que journaliste, je n’aime pas les mensonges », a-t-il expliqué.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire