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Un habitant sur dix possède de l’ADN du « facteur »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

À en croire une étude de la KuLeuven, parue dans le magazine Current Biology, un habitant sur dix des anciens Pays-Bas possède de l’ADN du proverbial « laitier » ou du « facteur ». Et étonnamment, au 19e siècle, le nombre d’enfants illégitimes était bien plus élevé en ville qu’à la campagne.

On le sait, dans les pays occidentaux modernes, 1 à 2% des enfants sont illégitimes, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas élevés par leur père biologique. Si aujourd’hui, les pères qui doutent que leur enfant soit bien le leur peuvent commander un test de paternité sur internet et vérifier, jadis, ils demeuraient dans l’incertitude.

« Les peintures du 17e siècle se moquent souvent du mari ignorant qui ne se rend pas compte que sa femme le trompe et qu’il n’est pas le vrai père de l’enfant », explique le biologiste et généticien évolutionnaire Maarten Larmuseau (KuLeuven), au quotidien De Standaard. Pourtant, ajoute-t-il, ces 500 dernières années, le pourcentage d’enfants naturels n’était pas plus élevé qu’aujourd’hui.

Cependant, les chercheurs révèlent un écart important entre la ville et la campagne, surtout à la fin du 19e siècle, au début de la Révolution industrielle. Parmi les ouvriers d’usine dans les villes, la part d’enfants naturels s’élevait à 6%, alors que dans la haute bourgeoisie et parmi les agriculteurs, le chiffre oscille autour du demi-pour cent.

Comme l’explique le journal néerlandais De Volkskrant, l’équipe de Larmuseau a étudié l’ADN et l’arbre généalogique de plus de mille hommes, presque tous amateurs de généalogie. Il s’est avéré que 93 d’entre eux possédaient des chromosomes issus d’une autre famille.

Révolution industrielle

Les chercheurs constatent un pic d’enfants naturels durant la Révolution industrielle, de 1850 à 1900 un chiffre qui ne s’explique pas nécessairement par l’adultère. « L’anonymat de la ville facilitait l’adultère, mais aussi les abus », déclare Larmuseau au Standaard. D’autres études ont en effet démontré que vers 1850 la part d’enfants illégitimes s’élevait à 12% dans les villes contre 5% à la campagne. À Bruxelles, ce chiffre atteignait même les 36% parmi les employées de maison et les ouvriers journaliers.

Si on ne peut que spéculer sur la cause de cet écart entre les villes et la campagne, Larmuseau pointe les conditions sociales. Il estime que la faim, les épidémies, et les troubles sociaux ont certainement joué un rôle. Il évoque également le contrôle social beaucoup plus présent à la campagne qu’en ville où c’est l’anonymat qui règne en maître.

Semi-prostitution

Interrogé par De Volkskrant, Jan Kok, professeur en histoire sociale à l’Université Radboud de Nimègue aux Pays-Bas, évoque l’appauvrissement des villes après l’ère napoléonienne, la disparition du contrôle de l’Église sur les bonnes moeurs vers 1800 et les difficultés de divorcer jusque vers 1880. « La morale sexuelle était relâchée, les femmes s’appauvrissaient, et tombaient dans une semi-prostitution ». Il cite l’exemple d’Amsterdam où dans les couches sociales inférieures jusqu’à 60% des premiers enfants étaient illégitimes.

Pour Larmuseau, le projet est un bel exemple de citoyenneté. Sans les centaines de généalogistes amateurs qui ont passé des années à explorer les archives pour établir un arbre généalogique, l’étude n’aurait jamais vu le jour.

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