© DR

Mai 68 : Du côté de la vie

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Même s’il ne déchaîne plus les passions, Mai 68, cinquante ans après, fait toujours débat, entre monstre et mythe. Un hors-série du Vif/L’Express en vente dès le 20 avril

Même s’il ne déchaîne plus les passions, Mai 68, cinquante ans après, fait toujours débat, entre monstre et mythe. Ses détracteurs, à l’image du Sarkozy futur président élu de 2007, veulent  » liquider son héritage  » parce que ce printemps aurait sapé les fondements de l’autorité, de la société, de la famille… Comme s’il suffisait de décréter le déclassement d’une pensée pour forcer son obsolescence. Ses laudateurs entretiennent le souvenir d’une utopie en oubliant que si tant est qu’une révolution sociétale ait eu lieu, elle a été dévoyée ou instrumentalisée. Le  » jouir sans entraves  » a aussi accouché d’un capitalisme sans entraves. Les sélectifs, enfin, rabaissant la révolte étudiante à une poussée de fièvre  » petitebourgeoise « , n’en retiennent que la plus grande grève générale jamais organisée dans un pays industriel, y voyant la promesse, encore aujourd’hui, d’un  » Grand Soir  » politico-social…

Ni monstre, ni mythe. Ne méritant ni ces tombereaux d’insultes, ni ces excès d’éloges, Mai 68 fut, comme le diagnostique l’historien Pascal Ory, un échec politique et un succès culturel, au sens où  » de profonds bouleversements d’ordre sociétal, cristallisés dans les années 1960, ont commencé leur marche ascendante « . La libération (des moeurs, de la relation citoyens-politique, de la création artistique, de l’individualisme…) l’a donc emporté sur la révolution. A cette aune, Mai 68 est un mouvement et non un moment de l’histoire. Et ce mouvement est loin d’être achevé.

Deux débats qui agitent toujours nos sociétés l’accréditent. Jamais sans doute ne s’est-on autant préoccupé qu’aujourd’hui d’identifier les outils et les modalités d’une démocratie participative qui pourrait redonner souffle à nos nations minées par le désenchantement politique. Les prémices de cette quête ont été posées en 1968 sous le célèbre slogan  » Elections, piège à con « . Autre thématique, la révolte des femmes contre le déni ou la banalisation des violences à leur encontre, phénomène dominant de 2017, résonne comme un approfondissement de cette libération de la parole, marqueur indélébile de Mai 68 qui ne parvint toutefois pas à se libérer de la domination masculine de l’époque.

Les combats de Mai 68 restent donc d’une incroyable modernité. Sans doute ne faut-il pas trop s’en réjouir. Leur pertinence récurrente prouve soit que les avancées engrangées ont été incomplètes, soit que les acquis forgés ont carrément été remis en cause. La société de consommation née après Mai 68, si elle a apporté un surcroît de bien-être au plus grand nombre, n’a, il est vrai, pas apaisé les inégalités, les questionnements identitaires, le besoin de protection… Et à cinquante ans d’intervalle, l’ouverture a plutôt fait place au repli. L’attribuer aux  » excès « , aux ambiguïtés ou aux désillusions de Mai 68 n’est pas pertinent en regard d’un bilan largement positif.

Daniel Cohn-Bendit, qui rejette toute  » muséification  » d’un mouvement dont il fut le héraut, en explique sereinement la raison.  » C’est dans l’ébranlement que l’on pense et que l’on vit le plus librement. Et la vie sans liberté, c’est déjà la mort, argumentait-il dans Le Nouveau Magazine littéraire. Mai 68 interpelle encore car ce mouvement bizarre, chaotique, insaisissable est indubitablement du côté de la vie ! « 

100 pages – 9,95 €

EN VENTE DÈS LE 20/04 !

Les abonnés reçoivent un bon de réduction de -3 € avec Le Vif/L’Express du 19 avril

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire