Centre-ville de Kinshasa L'emblématique building Sozacom construit par les Ateliers d'architecture de Genval (1977) sous l'égide de Claude Strebelle et André Jacqmain abrite les bureaux de la Société générale des minerais (devenue la Géca-mines). Cette tour est la double expression de la modernité à la new-yorkaise voulue par président Mobutu lui-même et de l'omnipotence du secteur minier au Congo. © BELGAIMAGE

Le malade climatique

Au lendemain de l’indépendance, l’agronome français René Dumont jetait un pavé dans la mare avec L’Afrique noire est mal partie. Son livre dénonçait le « pacte colonial » qui avait placé le continent africain dans une situation d’infériorité qui durait depuis la traite négrière du XVe siècle. René Dumont attirait l’attention sur les vastes chantiers climatiques et éducatifs qui, déjà, s’ouvraient.

Un nouvel élan?

Il est incontestable que la décolonisation s’est faite dans la précipitation. Le Congo est devenu indépendant dans un état d’impréparation évident. Aujourd’hui, ce chemin postcolonial est celui d’une Afrique qui tente de trouver sa place dans le concert des nations. Si le déclin démographique des puissances coloniales d’antan se précise, la Chine, nouveau géant économique, est désormais le premier investisseur en Afrique. Depuis quelques années, les pays africains ont enfin pris le chemin de la croissance, souvent au prix d’une exploitation effrénée du pétrole et des ressources minières. C’est que la civilisation thermo-industrielle a largement entamé les réserves planétaires d’un continent qualifié d’avenir de l’humanité. Le devenir des nations, des continents et, plus encore, de la planète, se dessine à l’aune du réchauffement climatique et, sous cet angle-là, l’Afrique est, avec le sous-continent indien, indiscutablement « le plus mal parti », indubitablement le moins préparé et sur lequel pèse les plus lourdes menaces. La voix de René Dumont résonne encore.

Premier producteur africain de cuivre Un travailleur inspecte des lots de cuivre transformé à Mutanda Mining, société détenue à 69 % par Glencore, multinationale anglo-suisse de négoce de matières premières et d'exploitation minière. Ces feuilles de cuivre sont prêtes à être expédiées par camion vers Dar es Salaam, en Tanzanie ou Durban, en Afrique du Sud. La mine produit principalement du cuivre mais aussi du cobalt. La mine emploie environ 3 500 personnes et est située dans la province de Luabala (Sud de la RDC).
Premier producteur africain de cuivre Un travailleur inspecte des lots de cuivre transformé à Mutanda Mining, société détenue à 69 % par Glencore, multinationale anglo-suisse de négoce de matières premières et d’exploitation minière. Ces feuilles de cuivre sont prêtes à être expédiées par camion vers Dar es Salaam, en Tanzanie ou Durban, en Afrique du Sud. La mine produit principalement du cuivre mais aussi du cobalt. La mine emploie environ 3 500 personnes et est située dans la province de Luabala (Sud de la RDC).© GETTY IMAGES

Bien sûr, il y a de nombreux appuis que l’on appelle coopération, mais ils sont disparates et ne remédient pas à l’essentiel. Face à ce défi majeur, la République démocratique du Congo (RDC) et quelques-uns de ses voisins, comme le Soudan du Sud, de création récente et ravagée par la guerre civile, et la Centrafrique – Etat failli – sont autant de pays malades au chevet desquels s’incrustent les opérations de maintien de la paix, et des opérations humanitaires en tous genres et qui se pérennisent. Monuc et Monusco – la plus coûteuse opération de maintien de la paix dans le monde de ces deux dernières décennies – a-t-elle apporté les solutions durables aux conflits? L’instabilité à l’Est semble le démentir. Les rivalités locales sur les ressources et les groupes armés hétéroclites accrochés sur une mine d’or ou de coltan, prolifèrent. Les chiffres d’exportations disent plutôt que l’opération de maintien de la paix a surtout permis de sécuriser des investissements miniers réalisés plutôt que les populations…

René Dumont (1904 - 2001) Agronome français, connu pour son combat pour le développement rural des pays pauvres et son engagement écologiste. Il est le premier candidat à s'être présenté sous l'étiquette écologiste à une élection présidentielle française, en 1974. Auteur de quelque septante ouvrages, dont L'Afrique noire est mal partie (1962) et L'Utopie ou la mort ! (1973).
René Dumont (1904 – 2001) Agronome français, connu pour son combat pour le développement rural des pays pauvres et son engagement écologiste. Il est le premier candidat à s’être présenté sous l’étiquette écologiste à une élection présidentielle française, en 1974. Auteur de quelque septante ouvrages, dont L’Afrique noire est mal partie (1962) et L’Utopie ou la mort ! (1973).© DR

Une gouvernance à la hauteur

La course aux matières premières du continent a toujours orienté la politique, les alliances, les guerres et les coups d’Etat au Congo-Zaïre. Au lendemain des indépendances, des hommes forts tels Mobutu et Habyarimana (Rwanda), appuyés par l’Occident, ont habilement hérité des forces armées coloniales, en faisant des instruments de leur pouvoir, dans la lignée des tyrans inféodés aux intérêts occidentaux qu’il fallut pour exploiter le bois d’ébène, au cours de trois siècles et demi de traite des esclaves, (1650 – 1890), l’ivoire, l’hévéa, le cuivre, le cobalt, l’uranium, l’or, les essences forestières… qui ont suivi le chemin des exportations vers l’Europe, les Etats-Unis et, aujourd’hui, l’Asie.

Des ressources pillées

La RDC est un « scandale géologique  » tant ses ressources minières sont importantes et multiples. Premier producteur mondial de cobalt, une matière première stratégique pour l’exploitation automobile, la RDC est également un important acteur pour le diamant industriel et de joaillerie, le cuivre (1er producteur africain) et l’or, du coltan qui se trouve dans les téléphones et consoles de jeu.

La préoccupation climatique mondiale devrait infléchir cette course effrénée aux ressources qui est toujours prépondérante, dans le sens de sauvegarder les grands complexes forestiers capteurs de gaz à effet de serre, tels le bassin du fleuve Congo et l’Amazonie.

Si les grandes puissances ne se préoccupent encore que peu, et en tout cas pas assez, de l’avenir des forêts du bassin congolais, les pays scandinaves font figure d’exceptions : la Norvège, rejointe par la Suède, a mis en place le fonds CAFI (Central African Forest Initiative). Ce Fonds national de réduction des effets de dégradation et de destruction des forêts se consacre aux projets des services d’appui sur le terrain (PSAT) en faveur des populations locales. Le CAFI se positionne aussi en accélérateur des réformes en Afrique centrale, principalement en RDC.

Jeanine Mabunda présidente de l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement de la RDC, lors de l'ouverture de la session parlementaire du 17 mars 2020, appelle à un changement de modèle économique et une meilleure allocation des ressources au regard de la situation de la RDC.
Jeanine Mabunda présidente de l’Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement de la RDC, lors de l’ouverture de la session parlementaire du 17 mars 2020, appelle à un changement de modèle économique et une meilleure allocation des ressources au regard de la situation de la RDC.© GETTY IMAGES

La fragilité de l’alliance avec la Chine

« Si notre cadre socio-économique fragile est significativement soutenu par notre production minière, il subit actuellement les effets négatifs du marché international avec une baisse sensible des prix des métaux tels que le cobalt ou le cuivre, stratégiques pour la RDC. Faudrait-il se rappeler que notre économie est extravertie avec cette prépondérance du secteur minier? Celui-ci représente près de 90 % de nos exportations dont 40 % en direction de la Chine. La Chine, notre premier partenaire commercial. Ce pays, frappé par la pandémie, connaît un ralentissement avec un effet de dominos sur notre économie. »

Avril 2019. Des femmes, de retour vers Mweso (Nord-Kivu) avec leurs récoltes, passent devant un convoi du programme de stabilisation de la Monusco, la mission de maintien de la paix des Nations unies en RDC.
Avril 2019. Des femmes, de retour vers Mweso (Nord-Kivu) avec leurs récoltes, passent devant un convoi du programme de stabilisation de la Monusco, la mission de maintien de la paix des Nations unies en RDC.© BELGAIMAGE

Le paravent de la Monusco

Le 19 décembre 2019, à New York, le Conseil de sécurité a opté pour « un plan de retrait échelonné  » avec la réduction des  » effectifs militaires et de la zone d’opérations de la Monusco, en particulier dans les régions où les groupes armés ne posent plus de réelle menace ». Mais l’insécurité demeure et la résolution de conflits locaux s’enlise. Séverine Autesserre, politologue et chercheuse franco-américaine, analyse l’appui des Nations unies pour ancrer la RDC sur le chemin de la démocratie : s’il y a eu des élections présidentielles, à vrai dire, il n’y a jamais eu d’élections locales… Ce qui signifie que les populations n’ont jamais eu rien à dire à propos de leur mode de développement.

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