Les ministres des Affaires étrangères des Six, à Messine, en juin 1955. © Belgaimage

Le 3 juin 1955, le jour du « miracle de Messine »

Il est 19 heures, ce 2 juin, et la conférence est un échec. Ils n’y parviennent pas : les Six se révèlent incapables de s’accorder sur un texte. Leurs conceptions divergent trop. Que faire, alors ? Se divertir ! L’hôte italien a prévu d’emmener les négociateurs au théâtre.

Pas n’importe lequel : le théâtre grec de Taormina est une merveille de l’Antiquité. L’une des ruines les plus prisées de Sicile. Depuis les gradins, les politiques assistent à une représentation des ballets de Rome. Puis, ils se rendent au restaurant. Se régalent. Avant de rentrer à l’hôtel. C’est au San Domenico que le miracle se produit. Dans les salons, après deux heures de nouvelles discussions, un accord est trouvé. Il est 4 heures, ce 3 juin, et la conférence est un succès.

Retour en arrière. Le 30 août 1954, l’Assemblée nationale française rejette le projet de Communauté européenne de Défense. Ce faisant, elle porte un coup à la construction européenne. Créer une armée commune ? Construire une Europe politique ? Ces rêves, soudain, s’envolent. Deux ans à peine après la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, les Six se mettent à douter de leur avenir.

Il faut un nouveau souffle. Une relance. Jean Monnet, l’un des  » pères de l’Europe « , pense que celle-ci pourrait passer par une collaboration dans le domaine de l’énergie atomique. A La Haye, on prône la construction d’un  » marché commun « . A Bruxelles et Luxembourg, on se montre relativement séduit par ces deux idées. Un  » memorandum Benelux  » est même rédigé en ce sens. Mais à Paris, on est beaucoup moins chaud. En réalité, toute idée d’intégration supplémentaire refroidit les Français. Les discussions s’annoncent difficiles…

C’est Gaetano Martino qui invite ! Le ministre italien des Affaires étrangères est en pleine campagne électorale. Il tient à ce que les négociations se tiennent dans son fief de Sicile. Elles débutent le 1er juin, à l’hôtel de ville. Les discours sont prometteurs. Tous les ministres clament leur intention de faire avancer l’Europe. Mais à l’heure de plancher sur un texte, c’est autre chose. Faut-il de nouvelles institutions supranationales ? Doit-on étendre les compétences de la Ceca ? La priorité doit-elle être donnée au politique ou à l’économique ? Toutes ces questions divisent.

C’est donc dans la douceur de l’ultime nuit qu’un texte est finalisé. Tant en matière atomique qu’économique, des perspectives sont ouvertes. Mais, condition de son succès, le texte est prudent. Des comités de délégués devront travailler sur des propositions concrètes qui devront encore être validées par les ministres des Affaires étrangères. Si le représentant français adhère au texte, c’est parce qu’il est convaincu que ces projets… n’aboutiront jamais ! Paul-Henri Spaak, pour sa part, est enchanté. Alors que le soleil pointe à l’horizon, voilà qu’il se met à chanter O Sole Mio depuis le balcon de sa chambre. Le ministre belge des Affaires étrangères a raison d’être optimiste : moins de deux ans plus tard, il signerait les Traités de Rome, consécration du  » miracle de Messine « .

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