Dr Christiaan Barnard, des liens ambigus avec le régime de l'apartheid. © belgaimage

Le 3 décembre 1967, les ombres de la première greffe du coeur

Dans l’histoire de la chirurgie, c’est une date qui compte. En transplantant un coeur, la médecine ne sauve plus des vies ; elle donne la vie ! Toujours plus, la science repousse les limites de ses ambitions. Victoire triomphante ? Pas si vite !

L’opération du Cap n’alla pas sans poser un certain nombre de questions. Elle conserve, aujourd’hui encore, sa part d’ombre… C’est donc en Afrique du Sud que l’exploit se produit. Le bénéficiaire s’appelle Louis Washkansky. Epicier, sportif, l’homme est aussi un cardiaque diabétique. A partir de 1966, ce quinquagénaire multiplie les séjours à l’hôpital. Il s’avère bientôt que s’il veut conserver une chance de vivre, il devra recevoir un nouveau coeur.

Christiaan Barnard, lui, est l’étoile montante de la médecine cardiaque. Formé en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, il se partage entre l’enseignement universitaire et la chirurgie de haut niveau. Lorsqu’il rencontre Washkansky, il voit une opportunité. Le 3 décembre 1967, à la tête d’une équipe de trente personnes, il offre à son patient le coeur d’une jeune femme, victime, quelques heures plus tôt, d’un accident de la route. L’opération est un succès. Même si, moins de trois semaines plus tard, le patient décède d’une pneumonie provoquée par le traitement postopératoire.

La cote de Barnard, elle, monte en flèche. Rapidement, les médias s’amourachent de ce docteur tout-puissant. A 44 ans, il expose volontiers sa belle gueule dans les papiers glacés, posant aux côtés de la princesse Grace de Monaco et même du pape Paul VI ! En 1970, après avoir divorcé, il épouse la très sexy Barbara Zoellner, 19 ans. Le tout sous les flashes des photographes.

Mais Barnard mérite-t-il vraiment tous ces honneurs ? Des doutes commencent à se faire jour. Au sein de la communauté scientifique, on soutient que le Sud-Africain a volé la vedette à Norman Shumway. Spécialiste incontesté, cet Américain était prêt à transplanter un coeur humain. Ce qui l’en empêchait ? Quelques scrupules. Et la législation américaine, qui interdisait de prélever un coeur battant encore. Barnard s’est formé auprès de Shumway. Puis, tranquillement, il a opéré. Ça lui vaudra d’être traité de vautour, de boucher… On lui reprochera aussi de se prendre pour Dieu.

Autre polémique : est-ce bien Barnard qui a posé l’acte ultime ? Ne serait-ce pas plutôt un certain Hamilton Naki ? Ce  » Noir  » est alors technicien de laboratoire dans l’hôpital de Barnard. Apte à devenir médecin, il en est empêché par les lois de l’apartheid. Certains soutiendront que c’est lui qui greffa le coeur ; d’autres, probablement à raison, le contesteront fermement. Un doute demeure… Au-delà, si Barnard devient une star, c’est aussi dans l’intérêt du régime sud-africain. Sans doute est-il excessif de consi- dérer le médecin comme le parfait ambassadeur de l’apartheid. Mais l’homme ne condamnera jamais le racisme de son pays. Et lorsque des élections libres y seront organisées en 1994, il prendra soin de quitter l’Afrique pour rejoindre l’Europe.

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