Edward Coremans (à g.) et Julien De Vriendt : la loi de 1898 qui porte leurs noms est aussi dite loi d'égalité. © DR

Le 3 avril 1898, la première étincelle du Mouvement wallon

Ils sont trois mille, ils sont en colère, mais ils jubilent. Pas parce qu’ils sont en colère, mais parce qu’ils sont nombreux à l’être. Et si c’est une grande première, ce n’est pas non plus parce qu’ils sont en colère, mais parce qu’ils sont wallons. Trois mille Wallons qui manifestent au nom de leur identité, c’est du jamais-vu ! A Liège, ce 3 avril 1898 sonne l’aube d’une émergence. Au fond d’eux-mêmes, peut-être ces militants le sentent-ils : aujourd’hui, le Mouvement wallon est en train de naître.

Evidemment, les Flamands ont déjà fait mieux. Très tôt, nombreux, ils ont battu le pavé. Car ils ne se reconnaissaient pas dans cet Etat belge francophone qui ne les reconnaissait pas. Un Etat dont ils ne comprenaient la langue ni des législateurs, ni des fonctionnaires, ni des juges. Pétitions et manifestations s’étaient alors succédé. Et, dès les années 1870, le Vlaamse Beweging obtenait ses premières victoires.

Les Wallons ? Ils sont plutôt suiveurs. Mais inquiets. Si certains décident de sortir de leur mutisme, c’est parce qu’ils se sentent menacés. Ils craignent que les avancées flamandes coïncident avec le recul du français. Ils s’inquiètent pour leurs emplois dans l’administration. Ils redoutent de devoir apprendre le néerlandais. Alors, ils se mobilisent. C’est l’heure des poètes, des folkloristes et des linguistes. Vantant leur langue et leur culture, ils se forgent une identité. Des ligues se forment, des polémistes s’improvisent, des pamphlets s’écrivent. Sauf que… la grande foule n’est pas au rendez-vous. L’âme wallonne ne suscite l’enthousiasme ni du monde ouvrier ni de la classe moyenne. En réalité, les Wallons sont nombreux à ne même pas en percevoir l’existence.

S’organiser est donc une nécessité. Et c’est en Principauté que cela bouge. Le 9 mai 1897, la Ligue wallonne de Liège voit le jour, dans l’idée de structurer le mouvement et de lui donner du coffre. L’opportunité se présente : au Parlement, la loi Coremans – De Vriendt est en débat, qui vise à mettre sur pied d’égalité les versions flamande et française des lois et arrêtés royaux. Mobilisation générale !  » Séparation plutôt que le joug du flamingantisme  » : sous ce mot d’ordre, les associations de nombreuses villes wallonnes répondent à l’appel. Ce 3 avril, quelque trois mille militants défilent donc. Grande première, certes. Mais pas grand succès : deux semaines plus tard, le Parlement adopte la loi d’égalité.

1898 n’est qu’une première étape. 1905 en sera une seconde, plus importante. Cette année-là, la même Ligue wallonne de Liège organise un congrès destiné à identifier les véritables spécificités de l’identité wallonne. L’événement favorise une prise de conscience en même temps que l’émergence d’une dimension politique. Sur l’échiquier national, cependant, il faudra encore attendre avant que soient catalysées les ardeurs nationalistes du sud du pays. Ce sera le cas dans les années 1960, avec la création du Mouvement populaire wallon, puis du Rassemblement wallon.

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