" Nous avons mis le toit sur la maison fédérale ", déclarait le Premier ministre Jean-Luc Dehaene. © photonews

Le 29 septembre 1992, à la Saint-Michel, la Belgique devient fédérale

En échange d’une nouvelle redistribution des compétences, les francophones réclament un refinancement de leur Communauté. On décide aussi de scinder la province de Brabant, d’affaiblir le Sénat, et de doter les assemblées régionales d’élus directs. L’été est long. Mais le 29 septembre, jour de la fête de l’archange, Dehaene obtient son accord.

« Nous avons mis le toit sur la maison fédérale. » Jean-Luc Dehaene rayonne. Enfin, le Premier ministre peut ouvrir les portes du château. En cette fin d’été, les journées ont été longues à Val Duchesse. Mais la méthode semble avoir fonctionné : sociaux-chrétiens et socialistes, Flamands et francophones sont parvenus à un accord. Et pas mince ! D’ici peu, l’article 1er de la Constitution stipulera que la Belgique est un Etat fédéral. On ne parlera d’ailleurs plus de gouvernement national – mais de gouvernement fédéral. Alors, un toit, vraiment ? Un véritable aboutissement ? Les plus malins savent déjà que cette réforme n’est qu’une étape parmi d’autres.

C’est en 1970 qu’une première réforme de l’Etat est conclue. Une brèche est ouverte dans la structure unitaire du pays. Il faut ensuite attendre dix ans pour qu’une nouvelle réforme accentue la décentralisation. Mais l’appétit vient en mangeant, et le temps s’accélère. Dès 1988, une troisième réforme est signée. Puis vient le « dimanche noir ». Le 24 novembre 1991, le Vlaams Blok cartonne aux législatives. Les autres partis du Nord le savent : pour résister, ils vont devoir se montrer toujours plus… flamands ! Pas simple, dans ces conditions, de constituer un gouvernement. Les formateurs Guy Verhofstadt et Melchior Wathelet s’y essaient. Sans succès. Jean-Luc Dehaene prend le relais. En février 1992, il parvient à marier sociaux-chrétiens et socialistes.

Inévitablement, il y a de nouveau de l’institutionnel dans l’air. Place aux négociations. Ou aux grands marchandages. En échange d’une nouvelle redistribution des compétences, les francophones réclament un refinancement de leur Communauté. On décide aussi de scinder la province de Brabant, d’affaiblir le Sénat, et de doter les assemblées régionales d’élus directs. L’été est long. Mais le 29 septembre, jour de la fête de l’archange, Dehaene obtient son accord. Le toit sur la maison.

Victoire ? Pour qui ? Les analystes sont partagés. Pour la presse francophone, l’accord n’a pas beaucoup d’autres mérites que celui d’exister. Les plus belgicains constatent que le pays est sauvé, mais que les Belges n’ont plus grand-chose en commun. « Les fossoyeurs ont bien travaillé », lit-on dans les journaux. Les négociateurs Philippe Busquin (PS) et Gérard Deprez (PSC) s’en défendent : c’est sans accord que l’existence du pays aurait été menacée.

La Flandre réagit plutôt mieux. Certes, on regrette le prix à payer. Mais on se réjouit des perspectives d’autonomie nouvelles. Après tant de temps, un nouveau modèle va enfin succéder à la « Belgique de papa » ! Le Standaard, dont l’histoire est intimement liée à celle du Mouvement flamand, met cependant en garde : la réforme n’a rien d’un résultat final, elle est un « pas imparfait » qui s’inscrit dans « un mouvement plus large ». Bien vu : il ne faudra pas attendre dix ans pour que les accords du Lambermont et du Lombard renvoient celui de la Saint-Michel dans les livres d’histoire.

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