Robert Houben, dernier président du CVP-PSC unitaire. © BELGAIMAGE

Le 25 février 1968, le jour où les sociaux-chrétiens se séparent

Il y a des années où tout bascule. Un gouvernement, passe encore. Mais une université pluriséculaire, et le parti le plus puissant du pays, ce sont là d’autres choses ! En 1968, l’Université catholique de Louvain est scindée et le parti social-chrétien implose. En fait, c’est toute la Belgique qui bascule un peu.

Gérer les tensions linguistiques ? Le défi n’est pas neuf. On l’oublie souvent mais, dès 1939, le Parti catholique se scindait déjà : le Kristelijke Volkspartij et le Parti chrétien-social voyaient alors le jour. Deux partis distincts… mais confédérés. Après la guerre, l’heure était à la réconciliation. En 1945, un grand PSC était créé. En son sein, une aile flamande et une aile  » wallonne  » bénéficiaient toutefois d’une vague autonomie. Sous la présidence de l’autoritaire Théo Lefèvre (1950-1961), celle-ci se voyait cependant réduite à peau de chagrin.

De moins en moins, le nord et le sud du pays vibrent de la même manière. La Flandre est rurale, chrétienne, monarchiste et de plus en plus forte. La Wallonie est industrielle, laïque et sur le déclin. C’est essentiellement du nord que le PSC tire sa puissance. Et, au sein du parti, ce sont les Flamands qui donnent le ton. Pas toujours à l’aise avec ce mode de fonctionnement, les francophones revendiquent davantage d’autonomie. Ils obtiennent gain de cause : en 1965, un congrès octroyant à chaque aile de véritables compétences pour les problèmes culturels propres à chaque communauté.

Arrive Louvain. Depuis des années, le problème de l’université – en territoire flamand mais bilingue – empoisonne la vie politique. En 1966, Jan Verroken, député d’Audenaerde, dépose une proposition de loi visant à étendre le principe de l’unilinguisme régional à l’enseignement supérieur. Particularité : il le fait en tant que chef de groupe des PSC flamands à la Chambre. Et sans concertation avec ses homologues francophones. Le fil est rompu. Dans la presse, l’aile flamande est de plus en plus souvent désignée comme le  » CVP « , tandis que l’aile wallonne devient le  » PSC « . Comme s’il y avait déjà deux partis.

Début 1968, Verroken est chargé par le  » CVP  » d’interpeller le gouvernement sur l’affaire de Louvain. Dilemme pour les ministres sociaux-chrétiens flamands : soit ils prennent le parti des députés CVP, soit ils se montrent solidaires de leurs homologues francophones. Le 7 février, ils démissionnent.  » Le problème de Louvain est une question qui concerne plus que la seule université catholique, réagit Robert Houben, président du parti. C’est la cristallisation de tensions entre les communautés flamande, wallonne et bruxelloise « .

C’est la crise ! Le congrès national prévu les 17 et 18 février est annulé. Dans la foulée, la dissolution des Chambres sonne le glas des ambitions unitaires du parti.  » Nous allons aux élections en prenant nos distances vis-à-vis du PSC flamand « , déclare Albert Parisis, le leader du PSC. Le dimanche 25 février, les sociaux-chrétiens du pays se réunissent. Séparément : les francophones à Bruxelles ; les Flamands à Malines. De facto, le Parti social-chrétien a vécu.

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