Le socialiste Léo Collard : un appel à la main tendue aux chrétiens de gauche. © FRANS NAUWELAERTS/AMSAB.BE

Le 1er mai 1969, l’appel de Léo Collard aux progressistes

Ce devait être un 1er mai ordinaire. L’occasion d’exprimer son soutien aux travailleurs et de taper sur le dos des conservateurs, avant d’aller partager un boudin-compote avec les militants. Mais ce ne fut pas un 1er mai ordinaire.

Ce jour-là, à Charleroi, le président du Parti socialiste belge (PSB) prononce un discours historique.  » A un rassemblement des conservateurs, nous opposerons un rassemblement des forces de progrès « , clame Léo Collard.  » Le moment est venu de faire un pas de plus et de nous adresser aux chrétiens de gauche […] pour leur dire qu’à nos yeux, il n’existe plus de notion de droite et de gauche selon qu’on est catholique ou pas.  » L’air de rien, c’est une petite révolution que le Montois souhaite enclencher.

Cela fait des années qu’il en rêve, et quelques mois qu’il travaille dessus. A l’occasion des congés de la nouvelle année, Collard rédige les premiers passages de son discours. C’est le fruit d’un long mûrissement plus que de véritables consultations. Certes, le socialiste a partagé son idée avec quelques fidèles. Mais aucune délibération n’a eu lieu au sein du très stratégique bureau du parti.  » Mon discours était l’expression d’idées personnelles, expliquera-t-il, mais je pense qu’un président de parti doit oser, de temps en temps, prendre ses responsabilités personnelles.  »

Le contexte est propice. Les années d’après-guerre ont exacerbé le clivage confessionnel. Lors de la Question royale, les catholiques ont largement défendu le roi Léopold III, tandis que les laïques s’y sont opposés. Dans la foulée, les premiers se sont battus pour l’enseignement libre pendant que les seconds soutenaient l’officiel. Puis vient le Pacte scolaire. Bien sûr, celui-ci ne fait pas disparaître le clivage. Mais il contribue à le mettre sous le boisseau et permet une reconfiguration des alliances. Les libéraux le comprennent bien. En 1961, lorsque le Parti libéral devient le Parti de la liberté et du progrès, c’est notamment pour séduire plus largement, sans distinction philosophique ou religieuse.

Président du PSB depuis 1959, Collard est en fin de parcours. Il fut un acteur clé de la guerre scolaire mais cela tient sans doute plus du hasard que de son tempérament.  » Je n’ai pas fait cette guerre ; on me l’a faite « , déclarera-t-il. En effet, le Montois n’est pas homme de l’extrême. Il est plutôt belgicain, pas trop antiflamand, guère autoritaire. Il entend à présent rassembler. Non pas créer un nouveau parti, mais constituer un front commun, sur de nouvelles bases. Son appel du 1er mai est une sorte de testament politique.

Un succès ? Moyennement. En décembre, un congrès ratifie les vues présidentielles, mais sans grand enthousiasme. Par la suite, l’appel ne se concrétise ni en cartels ni en programmes communs. Les traditionnels piliers ne sont pas vraiment ébranlés, et le Parti social chrétien (PSC) continue à vivre – et à survivre. Il n’empêche, la présidence de Collard demeurera associée à cet appel qui, plus qu’un tournant, deviendra pour les socialistes un nouveau point d’horizon.

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