Maurice Lauré, un nom bien moins connu que la TVA qu'il inventa. © BELGAIMAGE

Le 10 avril 1954, le jour où la France créa… la TVA !

Un « prince de l’esprit ». Mieux : « l’un des hommes les plus intelligents de France ». Voilà comment le philosophe Raymond Aron qualifie alors le trentenaire Maurice Lauré. Et pourtant, si le premier a accédé à la notoriété, ce ne fut pas le cas du second. C’est que Lauré est homme de l’ombre

Ce qui n’empêche ni le génie ni l’influence. En 1954, cet éminent inspecteur des Finances invente un système révolutionnaire : la taxe sur la valeur ajoutée. Jusqu’alors, chaque bien était affecté d’une taxe. Le montant de celle-ci était calculé sur le prix de vente total, qui incluait donc le prix du bien lui-même comme celui de la valeur ajoutée. L’ensemble des acteurs qui participaient au processus de production payaient donc une taxe sur leurs achats et une taxe sur leurs ventes. Dans ce système  » en cascades « , les impositions étaient cumulatives.

Lauré innove. Dorénavant, les entreprises continueront à payer une taxe sur leurs ventes. Mais dans un second temps, l’administration fiscale leur remboursera une partie de la taxe payée sur leurs achats. Quelle partie ? La taxe sur la valeur ajoutée ! Objectif : ne pas pénaliser – et même favoriser – l’entreprise qui crée. En clair : seul le consommateur paiera la taxe et non pas chaque entreprise, jusqu’alors considérée comme consommateur intermédiaire. La TVA offre un autre avantage : elle est neutre. Ce qui signifie que son poids est constant, quels que soient les modes de fabrication, de distribution et l’origine du produit. Ce qui est censé favoriser la modernisation de l’économie.

Bonne nouvelle ? Pas pour tout le monde. A commencer par l’administration des impôts, qui voit ce dégrèvement d’un mauvais oeil. Même le ministre des Finances, Edgar Faure, n’y est pas favorable. En revanche, Pierre Mendès France, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, jette tout son poids dans la balance. Et il n’est pas mince. Le 10 avril 1954, les députés votent le texte. Précision : la TVA ne concerne au départ que les grandes entreprises.

Au fil du temps, la TVA va gagner en importance. Tout à la fois, elle va se répandre – toucher l’ensemble des biens – et se complexifier – tous les produits ne seront pas soumis aux mêmes taux. Mais elle ne va pas gagner en popularité. En 1968, lorsque tous les commerces de la République se voient assujettis, la TVA suscite la colère. Et est rebaptisée :  » Tout Va Augmenter « .

Rien n’y fait : la TVA est devenue incontournable en France. Elle va aussi s’expatrier. Pour ce faire, elle peut surfer sur la vague de la construction européenne. Au milieu des années 1960, la Commission européenne prend position en faveur du mécanisme. Y voyant un instrument pour favoriser la construction d’un  » marché commun « , elle encourage ses membres à l’adopter. La TVA finira par s’imposer presque partout. Tout en demeurant contestée. Parce qu’en frappant également l’ensemble des consommateurs, elle frappe plus durement les moins nantis. Et est donc, à ce titre, inéquitable.

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