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De l’Empire au Brexit. 500 ans de règne britannique

Le Vif

L’ambiguïté est le sentiment qui traduit le mieux l’état de nos relations avec le Royaume-Uni, et réciproquement. Quand il était membre de l’Union européenne, il agaçait légitimement par sa propension à maintenir un pied dedans, un pied dehors.

Le rabais budgétaire accordé en 1984 par l’Union a laissé gravée dans l’histoire la formule égotiste « I want my money back » de l’inflexible Margaret Thatcher. Les velléités continentales de réglementation bancaire se sont régulièrement heurtées aux protecteurs du rôle dominant de la City, la place financière de Londres. Et la quête d’une diplomatie européenne commune et écoutée a toujours été handicapée par le suivisme proaméricain des Britanniques, symbolisé par la caricature de « caniche de George W. Bush » accolée à Tony Blair lors de la guerre d’Irak de 2003…

Les Européens, soulagés, ont un temps été aveuglés par ce désespérant tableau. Mais maintenant que le Royaume-Uni est réellement en partance, ils découvrent tout ce qu’ils vont y perdre. Ce hors-série exceptionnel du Vif/L’Express n’a pas pour vocation de remuer le couteau dans la plaie du gâchis provoqué par les Brexiters. Il a en revanche le mérite de resituer le rôle essentiel du Royaume dans l’histoire mondiale. Il y a environ un siècle, l’empire britannique occupait un quart de la surface de la planète. Et si la domination politique s’est heureusement éteinte, le soft power a été perpétué. Du 4 au 15 avril derniers, les 21e jeux du Commonwealth, dont l’Australie était l’hôte, ont rassemblé 53 Etats membres et 18 autres délégations. La structure héritée de l’empire perpétue ainsi un unique réseau d’influence. Elle n’est pas la seule. Berceau du football, l’Angleterre négocie les droits TV de sa Premier league autour du 1,2 milliard d’euros rien qu’à l’international. Et la famille royale, qui a réussi à progressivement se moderniser, demeure une valeur sûre du Royaume-Uni à l’export. Et ils étaient entre 2,5 et 3 milliards de téléspectateurs qui ont suivi le mariage du prince Harrry avec Meghan Markle.

Ce Royaume-Uni-là continue donc de séduire. Paradoxalement, c’est en vertu de cette position unique, née d’une ouverture au monde sans pareil, que les promoteurs du Brexit ont fermé la porte à l’Europe. L’un des plus virulents d’entre eux, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, a ainsi justifié ce choix, jusqu’à un rejet même de l’union douanière avec les 27, par la volonté de « redevenir un acteur mondial ». La désunion (re) fait la force, ose-t-il nous dire. Cette nostalgie d’un passé impérial pourtant révolu serait-elle à ce point ancrée dans la société britannique ? Par un biais plus prosaïque, l’écrivain Martin Amis, auteur d’un Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre très critique à l’égard des siens, semble accréditer cette hypothèse quand il assène : « Lorsque mes compatriotes vont à l’étranger, ils ont tendance à faire du bruit et à picoler avec un souvenir de l’empire perdu »…

Sans doute les Brexiters ont-ils perdu de vue qu’on ne vit plus au temps où, comme le prophétisait le navigateur Walter Raleigh, « celui qui commande les mers commande le commerce ; celui qui commande le commerce commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même ». L’Union européenne promettait aux Britanniques sinon un empire au moins l’ambition d’une grande puissance. Pas toujours honnêtement conseillée, une majorité d’entre eux a préféré l’illusion d’un eldorado suranné. Cela n’empêche pas de continuer à considérer que la meilleure issue à un divorce est de rester bons amis.

160 pages – 14,95 €

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