Juillet 1955 : 250 000 manifestants défilent dans Bruxelles © PHOTO NEWS

Comment naquit le Pacte scolaire le 6 novembre 1958

Séance spéciale : ce vendredi 31 octobre, c’est en fin de journée que les ministres sont convoqués à la rue de la Loi. Ils sont tous présents. Si l’ordre du jour est copieux, seul un point compte vraiment. Il est abordé en fin de réunion. Maurice Van Hemelrijck, ministre social-chrétien de l’Enseignement, présente les grandes lignes du pacte qui vient d’être conclu à la Commission nationale scolaire. Les réactions sont brèves.

 » L’accord marquera dans l’histoire de notre pays « , souligne Gaston Eyskens, tandis que le ministre des Finances Jean Van Houtte s’associe aux éloges du Premier ministre. Avec le recul, la question demeure : comment ces hommes parvinrent-ils à réaliser ce qui semblait impensable ?

Car l’accord est à la hauteur du conflit auquel il met un terme. La guerre, en effet, avait été longue : plongeant ses racines dans le dernier tiers du xixe siècle, elle n’avait cessé de rebondir depuis 1950. Huit années, donc, que l’on se battait pour l’école ! La guerre avait aussi été rude. Elle s’était jouée dans la presse, au Parlement, dans les bureaux de partis. Et dans la rue : en juillet 1955, 250 000 manifestants avaient défilé dans Bruxelles. Surtout, le conflit semblait insoluble : d’un côté, les catholiques réclamaient de l’argent et défendaient les cours de religion. De l’autre, les laïques revendiquaient le développement d’un enseignement officiel et neutre. Paraphé le 6 novembre 1958, le Pacte scolaire se révélera cependant durable : dans ses grandes lignes, il continue à régir le fonctionnement de l’enseignement en Belgique. La clé du succès ? Trois éléments : le poids de la raison ; la configuration politique ; le pouvoir de l’argent.

Au cours des dernières années, chaque partie a voulu imposer sa loi à l’autre. L’alternance des majorités n’a toutefois permis à personne de s’imposer sur le long terme. Et a donné à chacun l’impression de n’avoir rien construit. Le temps a épuisé les extrémismes. Finalement, les positions respectives ne sont plus fondamentalement éloignées. Une intuition monte : si la raison pouvait remplacer les passions politiques, un accord serait faisable. Encore faut-il que le contexte soit propice…

En 1958, les astres s’alignent. Certes, le PSC a remporté les élections législatives du 1er juin – il est en position de force. Mais il n’a pas la majorité absolue – il va donc devoir faire des concessions. Les socialistes se montrent également disposés à en faire. Estimant que le dossier scolaire n’est est plus électoralement porteur, ils souhaitent tourner la page.

Dernier facteur : l’existence de marges budgétaires. Le Pacte scolaire ne contente personne (entièrement). Mais s’il satisfait (un peu) chacun, c’est notamment parce qu’il augmente les dotations de tous les réseaux. Entre 1957 et 1960, le budget de l’instruction publique passe de 10,5 à 18,3 milliards de francs belges. A la veille des Golden Sixties, l’Etat ne manque pas de ressources. C’est aussi pour cette raison qu’en 1958, les Belges parvinrent à tisser le dernier vrai pacte de leur histoire.

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