Gisèle Halimi, marquée toute sa vie par la "malédiction de naître fille". © GETTY IMAGES

Ce cri en forme de testament laissé par Gisèle Halimi: « N’ayez pas peur d’être féministes »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Dans un livre d’entretien avec Annick Cojean, Une farouche liberté, l’avocate Gisèle Halimi, récemment décédée, dit toute la grandeur de ce combat.

« Tout est parti de l’enfance et de cette indignation ressentie dès mon plus jeune âge devant la malédiction de naître fille. » Rarement le combat public d’une personnalité aura coïncidé à un tel degré d’intensité avec sa vie intime. Décédée le 28 juillet dernier au lendemain de ses 93 ans, l’avocate et militante féministe Gisèle Halimi a laissé un témoignage posthume sous la forme d’un entretien avec la journaliste du Monde, Annick Cojean, intitulé Une farouche liberté (1).

A 10 ans, enfant d’une famille juive de Tunisie, elle mène une grève de la faim pour forcer ses parents à renoncer à la contrainte qui lui est imposée de servir ses frères. « Ma soeur et moi, (nous étions) les inessentielles, les garçons du foyer, les essentiels. » L’injustice est vécue d’autant plus douloureusement que sa mère participe largement à la perpétuation de cette tradition machiste. Du coup, la jeune Gisèle Halimi va trouver dans l’école, puis dans la volonté inébranlable d’exercer le métier d’avocate, qui lui permet d’acquérir son indépendance financière, les premiers leviers de son combat féministe. Et celui-ci va structurer toute sa vie. « Nous étions dans un monde coupé en deux, cela m’apparaissait clairement. D’un côté, ceux qui opprimaient et en tiraient profit, et de l’autre, les humiliés, les offensés, bref, les victimes. Mais attention ! Des victimes qui relèvent la tête, s’opposent, combattent. »

Le combat féministe n’a jamais versé de sang.

La lutte sera donc permanente, contre l’injustice faite aux femmes et contre toutes les injustices. « Ils découvraient qu’une femme pouvait être une juriste ! , explique ainsi à propos de ses nouveaux collègues celle qui est devenue la première femme avocate en Tunisie. Pour eux, le droit scientifique rigoureux, c’était pourtant un problème d’homme. Une avocate, elle, pouvait tout au plus émouvoir ou séduire. Eh bien, je leur prouvais le contraire. » Et de quelle façon.

Trois « procès-réflexions » vont marquer ce parcours. Celui, en 1961, de la militante du Front de libération nationale algérien (FLN), Djamila Boupacha, torturée et violée par des militaires français. Celui ouvert devant le tribunal de Bobigny en 1972 à l’encontre de Marie-Claire Chevalier, violée à 16 ans et dénoncée par son agresseur pour s’être fait avorter. Enfin, celui, à Aix-en-Provence, en 1978, des assassins de deux campeuses belges, Anne Tonglet et Araceli Castellano, dans une calanque à Marseille. Ce combat se prolongera dans son engagement politique et à travers son action sociale, à la tête de l’association Choisir la cause des femmes, et la fera vibrer jusqu’à la fin de sa vie.

Pour preuve, ce cri en forme de testament : « N’ayez pas peur de vous dire féministes. C’est un mot magnifique. C’est un combat valeureux qui n’a jamais versé de sang. Une philosophie qui ré- invente des rapports hommes-femmes enfin fondés sur la liberté. Un idéal qui permet d’entrevoir un monde apaisé où les destins des individus ne seraient pas assignés par leur genre ; et où la libération des femmes signifierait aussi celle des hommes, désormais soulagés des diktats de la virilité. »

(1) Une farouche liberté, par Gisèle Halimi avec Annick Cojean, Grasset, 160 p.

(1) Une farouche liberté, par Gisèle Halimi avec Annick Cojean, Grasset, 160 p.
(1) Une farouche liberté, par Gisèle Halimi avec Annick Cojean, Grasset, 160 p.

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