Aristide Briand (de dos, répondant aux questions des journalistes): un fin négociateur. © BELGAIMAGE

9 décembre 1905: En France, Eglise et Etat se séparent

Article 1er: « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. » Un point pour l’Eglise! Article 2: « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Un point pour l’Etat! Balle au centre? Sans doute. Car si la loi de 1905 est d’abord l’oeuvre des anticléricaux, elle est aussi un texte équilibré. Définissant la laïcité « à la française », elle s’est imposée comme un pilier de la République.

Séparer Eglise et Etat? Un vieux rêve! Que les révolutionnaires de 1789 avaient déjà concrétisé. Un décret du 21 janvier 1795 (ou plutôt du 3 ventôse an III…) avait ainsi établi la sacro-sainte séparation. Mais seulement pour une courte durée. Dès 1801, Napoléon signait un concordat avec le pape. L’accord prévoyait la désignation des évêques par le chef de l’Etat français. Et, en contrepartie, un soutien financier public aux ecclésiastiques.

La France change. De moins en moins, elle est la « fille aînée de l’Eglise ». Tandis qu’une partie de la population se déchristianise, les officiels se font de plus en plus anticléricaux. En 1901, une loi relative au contrat d’association est votée. Progrès: elle favorise le développement d’associations à but non lucratif et dynamise ainsi la société civile. Mais elle conditionne aussi l’existence des congrégations religieuses à l’autorisation de l’Etat. « Ce que veulent les socialistes, c’est arracher les consciences au pouvoir spirituel et conquérir la direction de l’humanité! » regrette-t-on sur certains bancs de l’Assemblée nationale.

En 1904, les congrégations religieuses ne sont plus autorisées à enseigner. Emile Combes, président du Conseil, en est convaincu: « L’anticléricalisme est l’oeuvre la plus considérable et la plus importante pour l’émancipation de l’esprit humain. » Entre l’Etat et l’Eglise, les liens se tendent. Mais ne se brisent pas. Car le régime concordataire, bien que coûteux, permet à la République de contrôler le clergé…

Les incidents se multiplient. A l’été 1904, la France rompt même ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Peu avant, une commission parlementaire a été créée, chargée de réfléchir aux relations entre Etat et Eglise. Au poste de rapporteur: Aristide Briand. Un avocat nantais, franc-maçon mais pas obtus, conscient de l’importance de la religion dans la vie sociale. Il va se révéler habile, subtil. Brillant.

Une Eglise libre dans un Etat libre. Loin des excès de ceux qui voudraient organiser des banquets dans les églises ou interdire la moindre procession, Briand recherche un texte équilibré, qui ne marque la victoire ni d’un camp ni de l’autre. Précédé d’un exposé des motifs de 100 pages, le compromis est soumis aux députés au printemps 1905. Leurs débats dureront trois mois et demi. Quasiment un record. Il faudra encore attendre le 9 décembre pour que la loi soit signée. Et 1921 pour que les relations diplomatiques soient rétablies entre les deux Etats. Depuis lors, Eglise et Etat sont demeurés séparés. Mais la France et le Saint-Siège n’ont plus jamais rompu leurs liens.

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