Marcel Déat, un socialiste pacifiste qui versera dans la collaboration. © Belgaimage

4 mai 1939 : L’homme qui ne voulait pas mourir pour Dantzig

La formule fait mouche. Quatre-vingts ans plus tard, on s’en souvient. Et parfois même, on l’instrumentalise. « Les Français n’ont pas voulu mourir pour Dantzig, et maintenant ils ne veulent pas perdre leur temps pour Dantzig », lâchait en 2005 l’eurodéputé polonais Jacek Saryusz-Wolski. Mais que signifient vraiment ces mots ?

Et sont-ils bien conformes à la réalité des faits ? Pas si sûr… L’orage gronde sur le continent. En mars 1938, Hitler procède à l’Anschluss : sans rencontrer la moindre opposition, les Allemands conquièrent l’Autriche. Quelques mois plus tard, à Munich, les Occidentaux ont l’impression d’avoir évité la guerre ; ils n’ont pourtant gagné que quelques mois. En mars 1939, les Allemands envahissent la Bohême et la Moravie. A présent, c’est la Pologne qui apparaît comme la prochaine cible du Führer. Ainsi que la ville-libre de Dantzig, enclavée entre la Pologne et l’Allemagne.

Le 4 mai 1939, le journal L’OEuvre publie un article intitulé  » Mourir pour Dantzig ? « . Ce quotidien français paraît à plus de 250 000 exemplaires. Clairement marqué à gauche, il se distingue par ses prises de position pacifistes. L’auteur de l’article est Marcel Déat, un socialiste anciennement ministre de l’Air. Envisageant l’évolution de la scène internationale, il prend clairement position en faveur de la paix. Mais plus encore, il entend défendre l’intérêt national.  » Flanquer la guerre en Europe à cause de Dantzig, c’est y aller un peu fort « , entonne-t-il. Et encore :  » Combattre aux côtés de nos amis polonais pour la défense commune de nos territoires, de nos biens, de nos libertés, c’est une perspective qu’on peut courageusement envisager, si elle doit contribuer au maintien de la paix. Mais mourir pour Dantzig, non !  »

Outre qu’elle traduit l’absence de tout esprit de solidarité, la ligne ne correspond pas à l’état d’esprit de la majorité des Français. Ceux-ci sont sondés en avril 1939 : 77 % d’entre eux estiment alors que l’annexion de la Bohême-Moravie représente un danger pour la France. Quelques mois plus tard, plus de trois quarts des Français considèrent que leur pays ne peut laisser l’Allemagne s’emparer de Dantzig. Quitte à utiliser la force…

Le 1er septembre 1939, les troupes allemandes envahissent la Pologne et entrent dans Dantzig. Deux jours plus tard, Français et Britanniques déclarent la guerre à l’Allemagne, bien conscients que pour préserver leur indépendance nationale, ils devront mourir pour Dantzig. Et Déat dans tout ça ? Il va basculer du mauvais côté. Accusant les autorités françaises d’être manipulées par l’Angleterre, il condamne l’entrée en guerre. Après s’être réjoui de l’armistice du 22 juin 1940, il verse résolument dans la collaboration. En 1944, il entre même dans le gouvernement (proallemand) de Pierre Laval. La victoire alliée le contraindra à l’exil. Réfugié en Italie, il est condamné à mort par contumace. Il meurt en 1955. Loin de Dantzig.

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